Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/342

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considérée en elle-même — est la première condition du salut pour l’humanité ; car si une partie de cette multitude propage de plus en plus le péché originel en l’aggravant par des crimes nouveaux, il reste toujours quelques justes pour atténuer les effets du mal et pour préparer un milieu au salut futur ; grâce à cette multiplication indéterminée, Abel est remplacé par Seth, Saül est supplanté par David. La succession indéfinie des générations est une seconde condition du salut : elles ne disparaissent pas sans que chacune laisse quelque chose pour faciliter l’œuvre de ses héritiers, pour élaborer une forme historique plus parfaite, satisfaisant mieux aux vraies aspirations de l’âme humaine. Ainsi ce qui ne pouvait se manifester ni dans Ève, ni dans Thamar, ni dans Rahab, ni dans Ruth, ni dans Bathshabah, — se manifesta un jour dans Marie.

Enfin l’hétéronomie de notre existence est la troisième condition du salut, non moins indispensable que les deux premières. Car si la volonté humaine tant bonne que mauvaise avait une efficacité immédiate, il en serait fait de l’humanité et de la création. Le fratricide Caïn se serait alors immédiatement précipité dans le fond de l’enfer avant de construire une ville et de fonder la civilisation antique ; le bon Seth serait monté au ciel ou au moins dans les limbes comme son frère Abel avant de procréer les ancêtres de Jésus-Christ ; et