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CHAPITRE III.

Inquiet, je soulevai mon manteau, et jetant de tous côtés un regard furtif, tout à coup, à ma gauche, dans le mélange du clair-obscur de la lune, au travers des colonnes et des ruines d’un temple voisin, il me sembla voir un fantôme blanchâtre enveloppé d’une draperie immense, tel que l’on peint les spectres sortant des tombeaux. Je frissonnai ; et, tandis qu’ému d’effroi j’hésitais de fuir ou de m’assurer de l’objet, les graves accents d’une voix profonde me firent entendre ce discours :

« Jusques à quand l’homme importunera-t-il les cieux d’une injuste plainte ? Jusques à quand, par de vaines clameurs, accusera-t-il le sort de ses maux ? Ses yeux seront-ils donc toujours fermés à la lumière, et son cœur aux insinuations de la vérité et de la raison ? Elle s’offre partout à lui, cette vérité lumineuse, et il ne la voit point ! Le cri de la raison frappe son oreille, et il ne l’entend pas ! Homme injuste ! si tu peux un instant suspendre le prestige qui fascine tes sens ! si ton cœur est capable de comprendre le langage du raisonnement, interroge ces ruines ! lis les leçons qu’elles te présentent !… Et vous, témoins de vingt siècles divers, temples saints ! tombeaux vénérables ! murs jadis glorieux ! paraissez dans la cause de la nature même ! Venez au tribunal d’un sain entendement déposer contre une accusation injuste ! venez confondre les déclamations d’une fausse sagesse ou d’une piété hypocrite, et ven-