Page:Voltaire - Œuvres complètes, Beuchot, Tome 33, 1829.djvu/290

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mois entier de fruits sauvages, et se trouvèrent enfin auprès d’une petite rivière bordée de cocotiers qui soutinrent leur vie et leurs espérances.

Cacambo, qui donnait toujours d’aussi bons conseils que la vieille, dit à Candide : Nous n’en pouvons plus, nous avons assez marché ; j’aperçois un canot vide sur le rivage, emplissons-le de cocos, jetons-nous dans cette petite barque, laissons-nous aller au courant ; une rivière mène toujours à quelque endroit habité. Si nous ne trouvons pas des choses agréables, nous trouverons du moins des choses nouvelles. Allons, dit Candide, recommandons-nous à la Providence.

Ils voguèrent quelques lieues entre des bords, tantôt fleuris, tantôt arides, tantôt unis, tantôt escarpés. La rivière s’élargissait toujours ; enfin elle se perdait sous une voûte de rochers épouvantables qui s’élevaient jusqu’au ciel. Les deux voyageurs eurent la hardiesse de s’abandonner aux flots sous cette voûte. Le fleuve resserré en cet endroit les porta avec une rapidité et un bruit horrible. Au bout de vingt-quatre heures ils revirent le jour ; mais leur canot se fracassa contre les écueils ; il fallut se traîner de rocher en rocher pendant une lieue entière ; enfin ils découvrirent un horizon immense, bordé de montagnes inaccessibles. Le pays était cultivé pour le plaisir comme pour le besoin ; partout l’utile était agréable[1] : les chemins étaient couverts ou plutôt ornés de voitures d’une

  1. Tel est le texte de toutes les éditions données du vivant de l’auteur, et même des éditions de Kehl. Quelques éditeurs récents ont mis : l’utile était joint à l’agréable. B.