Page:Voltaire - Œuvres complètes, Beuchot, Tome 33, 1829.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gracieux, et Martin d’un air de tête tout-à-fait noble ; elle fit donner un siège et un jeu de cartes à Candide, qui perdit cinquante mille francs en deux tailles : après quoi on soupa très gaiement ; et tout le monde était étonné que Candide ne fût pas ému de sa perte ; les laquais disaient entre eux, dans leur langage de laquais : Il faut que ce soit quelque milord anglais. Le souper fut comme la plupart des soupers de Paris, d’abord du silence, ensuite un bruit de paroles qu’on ne distingue point, puis des plaisanteries dont la plupart sont insipides, de fausses nouvelles, de mauvais raisonnements, un peu de politique, et beaucoup de médisance ; on parla même de livres nouveaux. Avez-vous vu, dit l’abbé périgourdin, le roman du sieur Gauchat, docteur en théologie ? Oui, répondit un des convives, mais je n’ai pu l’achever. Nous avons une foule d’écrits impertinents ; mais tous ensemble n’approchent pas de l’impertinence de Gauchat, docteur en théologie[1] ; je suis si rassasié de cette immensité de détestables livres qui nous inondent, que je me suis mis à ponter au pharaon. Et les Mélanges de l’archidiacre Trublet, qu’en dites-vous ? dit l’abbé. Ah ! dit madame de Parolignac, l’ennuyeux mortel ! comme il vous dit curieusement ce que tout le monde sait ! comme il discute pesamment ce qui ne vaut pas la peine d’être remarqué légèrement ! comme

  1. II faisait un mauvais ouvrage intitulé : Lettres sur quelques écrits de ce temps. On lui donna une abbaye, et il fut plus richement récompensé que s’il avait fait L’Esprit des Lois, et résolu le problème de la précession des équinoxes. K.--C’est D’Alembert qui a résolu le problème de la précession des équinoxes : voyez, tome XXI, la note des éditeurs sur le chapitre XLIII du Précis du Siècle de Louis XV. B.