Page:Voltaire - Œuvres complètes, Beuchot, Tome 33, 1829.djvu/324

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rêveur. Il prit bientôt congé des deux étrangers, après les avoir tendrement embrassés. Le lendemain Candide reçut à son réveil une lettre conçue en ces termes :

« Monsieur mon très cher amant, il y a huit jours que je suis malade en cette ville ; j’apprends que vous y êtes. Je volerais dans vos bras si je pouvais remuer. J’ai su votre passage à Bordeaux ; j’y ai laissé le fidèle Cacambo et la vieille, qui doivent bientôt me suivre. Le gouverneur de Buénos-Ayres a tout pris, mais il me reste votre cœur. Venez ; votre présence me rendra la vie ou me fera mourir de plaisir. »

Cette lettre charmante, cette lettre inespérée, transporta Candide d’une joie inexprimable ; et la maladie de sa chère Cunégonde l’accabla de douleur. Partagé entre ces deux sentiments, il prend son or et ses diamants, et se fait conduire avec Martin à l’hôtel où mademoiselle Cunégonde demeurait. Il entre en tremblant d’émotion, son cœur palpite, sa voix sanglote ; il veut ouvrir les rideaux du lit ; il veut faire apporter de la lumière. Gardez-vous-en bien, lui dit la suivante ; la lumière la tue ; et soudain elle referme le rideau. Ma chère Cunégonde, dit Candide en pleurant, comment vous portez-vous ? si vous ne pouvez me voir, parlez-moi du moins. Elle ne peut parler, dit la suivante, la dame alors tire du lit une main potelée que Candide arrose long-temps de ses larmes, et qu’il remplit ensuite de diamants, en laissant un sac plein d’or sur le fauteuil.

Au milieu de ses transports arrive un exempt suivi de l’abbé périgourdin et d’une escouade. Voilà donc,