Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/148

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Réponds-tu qu’au trépas Séide soit livré ?
Réponds-tu du poison qui lui fut préparé ?

Omar.

N’en doute point.

Mahomet.

N’en doute point.Il faut que nos mystères sombres
Soient cachés dans la mort, et couverts de ses ombres.
Mais tout prêt à frapper, prêt à percer le flanc
Dont Palmire a tiré la source de son sang,
Prends soin de redoubler son heureuse ignorance :
Épaississons la nuit qui voile sa naissance,
Pour son propre intérêt, pour moi, pour mon bonheur.
Mon triomphe en tout temps est fondé sur l’erreur.
Elle naquit en vain de ce sang que j’abhorre :
On n’a point de parents alors qu’on les ignore.
Les cris du sang, sa force, et ses impressions,
Des cœurs toujours trompés sont les illusions.
La nature à mes yeux n’est rien que l’habitude ;
Celle de m’obéir fit son unique étude :
Je lui tiens lieu de tout. Qu’elle passe en mes bras,
Sur la cendre des siens, qu’elle ne connaît pas.
Son cœur même en secret, ambitieux peut-être,
Sentira quelque orgueil à captiver son maître.
Mais déjà l’heure approche où Séide en ces lieux
Doit m’immoler son père à l’aspect de ses dieux.
Retirons-nous.

Omar.

Retirons-nous.Tu vois sa démarche égarée ;
De l’ardeur d’obéir son âme est dévorée.


Scène II.

MAHOMET, OMAR, sur le devant, mais retirés de côté ; SÉIDE, dans le fond.
Séide.

Il le faut donc remplir ce terrible devoir !

Mahomet.

Viens, et par d’autres coups assurons mon pouvoir.

(Il sort avec Omar.)