Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/162

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Portez vos yeux hardis au faîte de la gloire ;
De Séide et du reste étouffez la mémoire :
Vos premiers sentiments doivent tous s’effacer
À l’aspect des grandeurs où vous n’osiez penser.
Il faut que votre cœur à mes bontés réponde,
Et suive en tout mes lois, lorsque j’en donne au monde.

Palmire.

Qu’entends-je ? quelles lois, ô ciel ! et quels bienfaits !
Imposteur teint de sang, que j’abjure à jamais,
Bourreau de tous les miens, va, ce dernier outrage
Manquait à ma misère, et manquait à ta rage.
Le voilà donc, grand Dieu ! ce prophète sacré,
Ce roi que je servis, ce dieu que j’adorai !
Monstre, dont les fureurs et les complots perfides
De deux cœurs innocents ont fait deux parricides ;
De ma faible jeunesse infâme séducteur,
Tout souillé de mon sang, tu prétends à mon cœur ?
Mais tu n’as pas encore assuré ta conquête ;
Le voile est déchiré, la vengeance s’apprête.
Entends-tu ces clameurs ? entends-tu ces éclats ?
Mon père te poursuit des ombres du trépas.
Le peuple se soulève ; on s’arme en ma défense ;
Leurs bras vont à ta rage arracher l’innocence.
Puissé-je de mes mains te déchirer le flanc,
Voir mourir tous les tiens, et nager dans leur sang !
Puissent la Mecque ensemble, et Médine, et l’Asie,
Punir tant de fureur et tant d’hypocrisie ?
Que le monde, par toi séduit et ravagé,
Rougisse de ses fers, les brise, et soit vengé !
Que ta religion, qui fonda l’imposture,
Soit l’éternel mépris de la race future !
Que l’enfer, dont tes cris menaçaient tant de fois
Quiconque osait douter de tes indignes lois ;
Que l’enfer, que ces lieux de douleur et de rage,
Pour toi seul préparés, soient ton juste partage !
Voilà les sentiments qu’on doit à tes bienfaits,
L’hommage, les serments, et les vœux que je fais !

Mahomet.

Je vois qu’on m’a trahi ; mais quoi qu’il en puisse être,
Et qui que vous soyez, fléchissez sous un maître.
Apprenez que mon cœur…