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ACTE III


Scène I

Narbas

Ô douleur ! ô regrets ! ô vieillesse pesante !
Je n'ai pu retenir cette fougue imprudente,
Cette ardeur d'un héros, ce courage emporté,
S'indignant dans mes bras de son obscurité.
Je l'ai perdu ! La mort me l'a ravi peut-être.
De quel front aborder la mère de mon maître ?
Quels maux sont en ces lieux accumulés sur moi !
Je reviens sans Égisthe ; et Polyphonte est roi !
Cet heureux artisan de fraudes et de crimes,
Cet assassin farouche, entouré de victimes,
Qui, nous persécutant de climats en climats,
Sema partout la mort, attachée à nos pas :
Il règne ; il affermit le trône qu'il profane ;
Il y jouit en paix du ciel qui le condamne[1] ! 
Dieux ! Cachez mon retour à ses yeux pénétrants ;
Dieux ! Dérobez Égisthe au fer de ses tyrans :
Guidez-moi vers sa mère, et qu'à ses pieds je meure !
Je vois, je reconnais, cette triste demeure
Où le meilleur des rois a reçu le trépas, 
Où son fils tout sanglant fut sauvé dans mes bras.
Hélas ! Après quinze ans d'exil et de misère,
Je viens coûter encor des larmes à sa mère.
À qui me déclarer ? Je cherche dans ces lieux
Quelque ami dont la main me conduise à ses yeux ;

  1. Imitation de Juvénal (sat I, vers 49-50)
    · · · · · · · · · · Et fruitur diis
    Iratis · · · · · · · · · · · · · · ·