Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Scène V

Mérope, Narbas, Euryclès, Isménie

Isménie

Voici l'heure, madame,  
Qu'il vous faut rassembler les forces de votre âme.
Un vain peuple, qui vole après la nouveauté,
Attend votre hyménée avec avidité.
Le tyran règle tout ; il semble qu'il apprête
L'appareil du carnage, et non pas d'une fête.
Par l'or de ce tyran le grand-prêtre inspiré,
A fait parler le dieu dans son temple adoré.
Au nom de vos aïeux et du dieu qu'il atteste,
Il vient de déclarer cette union funeste.
Polyphonte, dit-il, a reçu vos serments ;
Messène en est témoin, les dieux en sont garants.
Le peuple a répondu par des cris d'allégresse ;
Et ne soupçonnant pas le chagrin qui vous presse,
Il célèbre à genoux cet hymen plein d'horreur :
Il bénit le tyran qui vous perce le coeur.

Mérope 

Et mes malheurs encor font la publique joie !

Narbas

Pour sauver votre fils quelle funeste voie !

Mérope

C'est un crime effroyable, et déjà tu frémis.

Narbas

Mais c'en est un plus grand de perdre votre fils.

Mérope

Eh bien ! Le désespoir m'a rendu mon courage. 
Courons tous vers le temple où m'attend mon outrage[1].
Montrons mon fils au peuple, et plaçons-le à leurs yeux,
Entre l'autel et moi, sous la garde des dieux.

  1. « Au commencement du cinquième acte, remarque Lessing, tous seront certainement dans le temple, d’où ils ne seront pas encore revenus? Eh bien! non,
    rien de tout cela; les affaires ne vont pas aussi vite. Polyphonte a encore oublié quelque chose, il revient encore une fois; et la reine aussi est encore une fois envoyée vers Egisthe. » (G. A.)