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ZULIME.


Scène II

ZULIME, RAMIRE, SÉRAME.
zulime.

Oui, nous touchons, Ramire, à ce moment prospère
Qui met en sûreté cette tête si chère.
En vain nos ennemis (car j’ose ainsi nommer
Qui voudrait désunir deux cœurs nés pour s’aimer),
En vain tous ces guerriers, ces peuples que j’offense,
De mon malheureux père ont armé la vengeance.
Profitons des instants qui nous sont accordés :
L’amour nous conduira, puisqu’il nous a gardés ;
Et je puis dès demain rendre à votre patrie
Ce dépût précieux qu’à moi seule il confie.
Il ne me reste plus qu’à m’attacher à vous
Par les nœuds éternels et de femme et d’époux.
Grâce à ces noms si saints, ma tendresse épurée
En est plus respectable, et non plus assurée.
Le père, les amis, que j’ose abandonner,
Le ciel, tout l’univers, doivent me pardonner
Si de tant de héros la déplorable fille
Pour un époux si cher oublia sa famille.
Prenons donc à témoin ce Dieu de l’univers
Que nous servons tous deux par des cultes divers ;
Attestons cet auteur de l’amour qui nous lie.
Non que votre grande àme à la mienne est unie
(Nos cœurs n’ont pas besoin de ces vœux solennels).
Mais que bientôt, seigneur, au pied de vos autels
Vos peuples béniront, dans la même journée,
Et votre heureux retour et ce grand hyménée.
Mettons près des humains ma gloire en sûreté ;
Du Dieu qui nous entend méritons la bonté :
Et cessons de mêler, par trop de prévoyance.
Le poison de la crainte à la douce espérance.

ramire.

Ah ! vous percez un cœur destiné désormais
A d’éternels tourments, plus grands que vos bienfaits.

zulime.

Eh ! qui peut vous troubler quand vous m’avez su plaire ?