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ZULIME.

Pour cette criminelle en regrets superflus.
De mon aveuglement moi-même épouvantée,
Expirant des regrets dont je suis tourmentée,
Et de votre tendresse, et de votre courroux,
Je pleure ici mon crime à vos sacrés genoux ;
Mais ce crime si cher a sur moi trop d’empire ;.
Vous n’avez plus de fille, et je suis à Ramire.

bénassar.

Que dis-tu ? malheureuse ! opprobre de mon sort !
Quoi ! tu jours tant de honte à Thorreur de ma mort !
Qui ? Ramire ! un captif ! Ramire t’a séduite !
Un barbare t’enlève, et te force à la fuite !
Non, dans ton cœur séduit, d’un fol amour atteint.
Tout rhonneur de mon sang n’est pas encore éteint ;
Tu ne souilleras point d’une tache si noire
La race des héros, ma vieillesse, et ma gloire.
Quelle honte, grand Dieu, suivrait un sort si beau !
Veux-tu déshonorer ma vie et mon tombeau ?
De mes folles bontés quel horrible salaire !
Ma fille, un suborneur est-il donc plus qu’un père ?
Repens-toi, suis mes pas, viens sans plus m’outrager.

zulime.

Je voudrais obéir ; mon sort ne peut changer.
Approuvée en Europe, en vos climats flétrie.
Il n’est plus de retour pour moi dans ma patrie.
Mais si le nom d’esclave aigrit votre courroux.
Songez que cet esclave a combattu pour vous ;
Qu’il vous a délivré d’une main ennemie ;
Que vos persécuteurs ont demandé sa vie ;
Que j’acquitte envers lui ce que vous lui devez ;
Qu’à d’assez grands honneurs ses jours sont réservés ;
Qu’il est du sang des rois ; et qu’un héros pour gendre,
Un prince vertueux...

bénassar.

Je ne veux plus t’entendre.
Barbare ! que les cieux partagent ma douleur !
Que ton indigne amant soit un jour mon vengeur !
Il le sera sans doute, et j’en reçois l’augure.
Tous les enlèvements sont suivis du parjure.
Puisse la perfidie et la division
Être le digne fruit d’une telle union !
J’espère que le ciel, sensible à mon outrage,