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AVERTISSEMENT


DE L’AUTEUR.




Cette pièce est bien moins une traduction qu’une esquisse légère de la fameuse comédie de Wicherley, intitulée Plain dealer, « l’Homme au franc procédé ». Cette pièce a encore en Angleterre la même réputation que le Misanthrope en France. L’intrigue est infiniment plus compliquée, plus intéressante, plus chargée d’incidents ; la satire y est beaucoup plus forte et plus insultante ; les mœurs y sont d’une telle hardiesse qu’on pourrait placer la scène dans un mauvais lieu attenant un corps de garde. Il semble que les Anglais prennent trop de liberté, et que les Français n’en prennent pas assez.

Wicherley ne fit aucune difficulté de dédier son Plain dealer à la plus fameuse appareilleuse de Londres. On peut juger, par la protectrice, du caractère des protégés. La licence du temps de Charles II était aussi débordée que le fanatisme avait été sombre et barbare du temps de l’infortuné Charles Ier.

Croira-t-on que chez les nations polies les termes de gueuse, de p……, de bor…, de rufien, de m…, de v…, et tous leurs accompagnements, sont prodigués dans une comédie où toute une cour très-spirituelle allait en foule ?

Croira-t-on que la connaissance la plus approfondie du cœur humain, les peintures les plus vraies et les plus brillantes, les traits d’esprit les plus fins, se trouvent dans le même ouvrage ?

Rien n’est cependant plus vrai. Je ne connais point de comédie chez les anciens ni chez les modernes où il y ait autant d’esprit. Mais c’est une sorte d’esprit qui s’évapore dès qu’il passe chez étranger.

Nos bienséances, qui sont quelquefois un peu fades, ne m’ont pas permis d’imiter cette pièce dans toutes ses parties ; il a fallu en retrancher des rôles tout entiers.