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490 DISSERTATION SUR LA TRAGÉDIE.

qu’ils sont exprimés avec une musique différente du récitatif, comme la strophe, Tépode, et Tantistrophe, étaient chantées, chez les Grecs, tout autrement que la mélopée des scènes. Ajoutez à ces ressemblances que, dans plusieurs tragédies-opéras du célèbre abbé Metastasio, Tunité de lieu, d’action et de temps est observée ; ajoutez que ces pièces sont pleines de cette poésie d’expression et de cette élégance continue qui embellissent le naturel sans jamais le charger ; talent que, depuis les Grecs, le seul Racine a possédé parmi nous, et le seul Addison chez les Anglais.

Je sais que ces tragédies, si imposantes par le charme de la musique et par la magnificence du spectacle, ont un défaut que les Grecs ont toujours évité ; je sais que ce défaut a fait des monstres des pièces les plus belles, et d’ailleurs les plus régulières : il consiste à mettre, dans toutes les scènes, de ces’petits airs coupés, de ces ariettes détachées, qui interrompent l’action, et qui font valoir les fredons d’une voix efféminée, mais brillante, aux dépens de l’intérêt et du bon sens. Le grand auteur que j’ai déjà cité, et qui a tiré beaucoup de ses pièces de notre théâtre tragique, a remédié, à force de génie, à ce défaut qui est devenu une nécfôvsité. Les paroles de ses airs détachés sont souvent des embellissements du sujet même ; elles sont passionnées ; elles sont quelquefois comparables aux plus beaux morceaux des odes d’Horace : j’en apporterai pour preuve cette strophe touchante que chante Arbace accusé et innocent* :

Vo solcando un mar cnidele

Senza vêle

E senza sarte.

Freme l’onda, il ciel sMmbruna,

Cresce il vento, e roanca Tarte ;

Ht il voler della fortuna

Son costretto a seguitar. Tnfelice I in questo stato

Son da tutti abbandonato ;

Meco sola è Tinnocenza

Che roi porta a naufragar.

J’y ajouterai encore cette autre ariette sublime que débite le roi des Parthes vaincu par Adrien *, quand il veut faire servir sa défaite même à sa vengeance :

1. Dans Arkuerje^ acte V, scène xv.

2. Dans Adriano, acte I*% scène m.