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508 SÉMIRAMIS.

MITRANE.

La renommée, Arzace, est souvent bien trompeuse ; Et peut-être avec moi bientôt vous gémirez Quand vous verrez de près ce que vous admirez.

ARZACE.

Comment ?

MITRANE.

Sémiramis, à ses douleurs livrée, Sème ici les chagrins dont elle est dévorée : L’horreur qui l’épouvante est dans tous les esprits. Tantôt remplissant Tair de ses lugubres cris, Tantôt morne, abattue, égarée, interdite. De quelque dieu vengeur évitant la poursuite. Elle tombe à genoux vers ces lieux retirés, A la nuit, au silence, à la mort consacrés ; Séjour où nul mortel n’osa jamais descendre. Où de Ninus, mon maître, on conserve la cendre. Elle approche à pas lents, l’air sombre, intimidé. Et se frappant le sein de ses pleurs inondé. A travers les horreurs d’un silence farouche. Les noms de fils, d’époux, échappent de sa bouche : Elle invoque les dieux ; mais les dieux irrités Ont corrompu le cours de ses prospérités.

ARZACE.

Quelle est d’un tel état Torigine imprévue ?

MITRANE.

L’effet en est affreux, la cause est inconnue.

ARZACE.

Et depuis quand les dieux l’accablent-ils ainsi ?

MITRANE.

Depuis qu’elle ordonna que vous vinssiez ici.

ARZACE.

Moi ?

MITRANE.

Vous : ce fut, seigneur, au milieu de ces fêtes. Quand Babylone en feu célébrait vos conquêtes ; Lorsqu’on vit déployer ces drapeaux suspendus. Monuments des États à vos armes rendus ; Lorsqu’avec tant d’éclat l’Euphrate vit paraître Cette jeune Azéma, la nièce de mon maître. Ce pur sang de Bélus et de nos souverains,