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LVII
JUGEMENTS SUR VOLTAIRE.
QUATRIÈME ÉPOQUE
BERSOT.

Voltaire n’a jamais eu qu’un seul client, la raison...

... Il préparait ainsi la grande révolution de 1789...

Après cela on peut, si l’on veut, l’accuser de n’avoir pas de cœur... ; les consciences perverties, l’honnêteté opprimée, la raison terrassée par la force ; voilà les misères dont il est touché. Ces misères, Voltaire les voit, les entend et les sent avec une énergie incomparable, et avec une énergie incomparable aussi il les combat. C’est son honneur immortel et l’honneur de la France, à laquelle il appartient, de représenter la réclamation éternelle et universelle de l’esprit indigné, de l’âme émue, contre l’odieux et l’absurde de ce monde, et, dans les plus mauvais jours, quand tout effort semble vain, il faut se répéter à soi-même la maxime de bonne espérance : « La raison finira par avoir raison. »

Un reproche plus mérité à lui adresser est d’avoir été injuste pour le christianisme. Jaloux des droits de la raison, il suspecte ce qui la dépasse, et combat ce qui la choque...

On ne fait pas de Voltaire un mystique, parce que d’autres en ont fait un athée ; on reconnaît en lui un esprit altéré de lumière, qui affirme là où elle inonde les yeux, et doute dès qu’elle s’obscurcit ; assuré sur trois ou quatre points, Dieu, la liberté et le devoir, flottant sur le reste ; un esprit juste qui a trouvé à peu près toutes les vérités, et n’a failli qu’en ne leur donnant pas leur nom ; un chef de parti habile, qui, pour rétablir la philosophie discréditée par les systèmes, a rejeté les systèmes et réintégré le sens commun ; un esprit sage qui a réglé ses croyances sur les nécessités de la morale ; une âme sensible à la justice, courageuse et infatigable pour la défendre ; un apôtre de l’humanité. (Dictionnaire des sciences philosophiques. Art. Voltaire.)

Le rôle de controversiste est un rôle facile, en ce qu’il concilie à l’écrivain une faveur assurée auprès des personnes qui croient devoir opposer la guerre à la guerre. À cette polémique, dont je suis loin de contester la nécessité, mais qui n’est ni dans mes goûts ni dans mes aptitudes, Voltaire suffit. On ne peut être à la fois bon controversiste et bon historien. Voltaire, si faible comme érudit. Voltaire, qui nous semble si dénué du sentiment de l’antiquité..., Voltaire est vingt fois victorieux d’adversaires encore plus dépourvus de critique qu’il ne l’est lui-même. Une nouvelle édition des œuvres de ce grand homme satisferait au besoin que le moment présent semble éprouver de faire une réponse aux envahissements de la théologie : réponse mauvaise en soi, mais accommodée à ce qu’il s’agit de combattre ; réponse arriérée à une science arriérée. (Les Apôtres. Introduction.)