Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lo4 LES TROIS EMPEREURS EN SORBONNE. [ve]

Princes, sages, héros, exemples des vieux temps, Vos sublimes vertus n'ont été que des vices ; Vos belles actions, des péchés éclatants. Dieu, juste seloù nous, frappe de l'anathème Épictète, Caton, Scipion l'Africain, Ce coquin de Titus, l'amour du genre humain, Marc-Aurèle, Trajan, le grand Henri lui-même'. Tous créés pour l'enfer, et morts sans sacrements. Mais, parmi ses élus, nous plaçons les Cléments-, Dont nous avons ici solennisé la fête ; De beaux rayons dorés nous ceignîmes sa tête : Ravaillac et Damiens, s'ils sont de vrais croyants %

tendons pas dire que les docteurs de Sorbonne sont dos cuistres, nous avons pour eux une considération plus distinguée; nous les plaignons seulement d'avoir signe un ouvrage qu'ils sont incapables d'avoir fait, soit en français, soit en latin.

Remarquons, pour leur justification, qu'ils se sont intitulés dans le titre sacrée faculté en langue latine, et qu'ils ont eu la discrétion de supprimer en français ce mot sacrée. (Note de Voltaire, 1709.)

— C'est dans VÉpîIre aux Romains, chapitre xi, verset 14, que saint Paul parle de la loi des gentils. (B.)

1. En effet le sieur Riballier, qu'on nomme ici Ribaudicr, venait de faire con- damner en Sorbonne M. Marmontel, pour avoir dit que Dieu pourrait bien avoir fait miséricorde à Titus, à Trajan, à Marc-Aurèle. Ce Riballier est un peu dur» (Xotede Voltaire, 1771.)

2. On ne peut trop répéter que la Sorbonne fit le panégyrique du jacobin Jacques Clément, assassin de Henri III, étudiant en Sorbonne; et que d'une voix unanime elle déclara Henri III déchu de tous ses droits à la royauté, et Henri IV incapable de régner.

Il est clair que, selon les principes cent fois étalés alors par cette faculté, Tas- sassin parricide Jacques Clément, qu'on invoquait publiquement alors dans les églises, était dans le ciel au nombre des saints; et que Henri III, prince volup- tueux, mort sans confession, était damné. On nous dira peut-être que Jacques Clé- ment mourut aussi sans confession ; mais il s'était confessé, et même avait com- munie l'avant-veille, de la main de son prieur Bourgoing son complice, qu'on dit avoir été docteur de Sorbonne, et qui fut écartclé. Ainsi Clément, muni des sacre- ments, fut non-seulement saint, mais martyr. Il avait imité saint Judas, non pas Judas Iscariote, mais Judas Macbabée; sainte Judith, qui coupait si bien les têtes des amants avec lesquels elle couchait; saint Salomon, qui assassina son frère Adonias; saint David, qui assassina Urie, et qui en mourant ordonna qu'on assas- sinât Joab; sainte Jahel, qui assassina le capitaine Sizara; saint Aod, qui assassina son roi Églon ; et tant d'autres saints de cette espèce. Jacques Clément était dans les mômes principes, il avait la foi : on ne peut lui contester l'espérance d'aller au paradis, au jardin; de la charité, il en était dévoré, puisqu'il s'immolait volontai- rement pour les rebelles. Il est donc aussi sur que .Tacques Clément est sauve qu'il est sur que Marc-Aurèle est damné. {Id., 1709.)

3. Selon les mômes principes, Ravaillac doit être dans le paradis, dans le jar- din, et Henri IV dans l'enfer qui est sous terre; car Henri IV mourut sans con- fession, et il était amoureux de la princesse de Condé : Ravaillac, au contraire, n'était point amoureux, et il se confessa à deux docteurs de Sorbonne. Voyez

�� �