Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE PÈRE NIGODÈME ET JEANNOT. 1CJ

Vous VOUS ressouvenez du bon cure Fantin,

Qui, prêcliant, confessant les dames de Versailles',

Caressait tour à tour et volait ses ouailles;

Ce cher monsieur Billard et son ami Grisel-,

Grands porteurs de ciliée et chanteurs de missel,

Qui prenaient notre argent pour mettre en œuvres pies :

Tous ces gens-là, mon père, étaient de grands génies !

LE PÈRE NICODÈME.

Mon fils, n'en doute pas, ils ont philosophé ; Et soudain leur esprit, par le diable échauffé. Brûla de tous les feux de la concupiscence. Dans les bosquets d'Éden l'arbre de la science Portait un fruit de mort et de corruption ; Notre bon père en eut une indigestion : Pour lui bien conserver sa fragile innocence, Il eût fallu planter l'arbre de l'ignorance.

JEANNOT.

C'est bien dit : mais souffrez que Jeannot l'hébété

Propose avec respect une difficulté.

De tous les écrivains dont la pesante plume

Barbouilla sans penser tous les mois un volume.

Le plus ignare en grec, en français, en latin,

C'est notre ami Fréron de Quimper-Corentin.

Sa grosse àme pourtant dans le vice est plongée ;

De cent mortels poisons Beizébut l'a rongée.

Je conclurais de là, si j'osais raisonner,

Que le pauvre d'esprit peut encor se damner,

LE PÎ;RE NICODÈME.

Oui, mais c'est quand ce pauvre ose se croire riche ; C'est quand du bel esprit un lourd pédant s'entiche ; Quand le démon d'orgueil et celui de la faim Saisissent à la gorge un maudit écrivain : Le déloya, alors est possédé du diable.

��1. Voyez la note 3 de la page 130.

2. Billard, financier et dévot de profession, avait fait une banqueroute consi- dérable. Le petit peuple du quartier Saint-Eustache, qui le voyait communier souvent et aller tous les jours à plusieurs messes, s'empressait de lui porter son argent, et en fut la dupe.

Le parlement en fit justice, et le condamna au pilori. M. l'abbé Grisel, son direc- teur, fameux par des aventures de testaments, etc., fut impliqué dans l'affaire; mais il n'y eut point de preuves juridiques contre lui, (K.) — Voyez aussi, sur Billard et sur Grisel, ou Grizel, t. VIII, p. 530,

�� �