Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toi qui, de tout l’État portant le poids immense,
Immoles ton repos à celui de la France ;
Philippe, ne crois point, dans ces jours ténébreux,
Plaire à tous les Français que tu veux rendre heureux :
Aux princes les plus grands, comme aux plus beaux ouvrages,
Dans leur gloire naissante il manque des suffrages[1].
Eh ! qui de sa vertu reçut toujours le prix ?
Il est chez les Français de ces sombres esprits,
Censeurs extravagants d’un sage ministère,
Incapables de tout, à qui rien ne peut plaire.
Dans leurs caprices vains tristement affermis,
Toujours du nouveau maître ils sont les ennemis ;
Et, n’ayant d’autre emploi que celui de médire,
L’objet le plus auguste irrite leur satire :
Ils voudraient de cet astre éteindre la clarté,
Et se venger sur lui de leur obscurité.
Ne crains point leur poison : quand tes soins politiques
Auront réglé le cours des affaires publiques,
Quand tu verras nos cœurs, justement enchantés,
Au-devant de tes pas volant de tous côtés,
Les cris de ces frondeurs, à leurs chagrins en proie,
Ne seront point ouïs parmi nos cris de joie.
Mais dédaigne ainsi qu’eux les serviles flatteurs,
De la gloire d’un prince infâmes corrupteurs ;
Que ta mâle vertu méprise et désavoue
Le méchant qui te blâme et le fat qui te loue[2].
Toujours indépendant du reste des humains,
Un prince tient sa gloire ou sa honte en ses mains ;
Et, quoiqu’on veuille enfin le servir ou lui nuire,

  1. Le commencement de l’épître se trouve ainsi dans plusieurs copies :
    Philippe, ami des dieux, toi qui sers aujourd’hui
    De père à ton monarque, à son peuple d’appui,
    Quoique avec équité ton active prudence
    D’un empire ébranlé porte le poids immense,
    Ne crois pas que d’abord, des critiques vainqueurs,
    Tes soins, tes sages soins entraînent tous les cœurs.
    Aux plus fameux héros, comme aux plus grands ouvrages,
    Dans leur gloire naissante, etc.
  2. Variante :
    Le méchant qui te blâme et le fat qui te loue.
    D’olive ou de lauriers tu peux seul te couvrir :
    Rien ne peut les donner, rien ne peut les flétrir.
    Les bons rois, en marchant à la gloire suprême,
    N’ont jamais eu d’appui ni d’obstacle qu’eux-même.
    Contre le grand Henri la France a vu longtemps, etc.