Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais que feront tous les traits satiriques[1]
Que d’un bras faible il décoche aujourd’hui,
Et ces ramas de larcins marotiques,
Moitié français et moitié germaniques,
Pétris d’erreur, et de haine, et d’ennui[2] ?
Quel est le but, l’effet, la récompense,
De ces recueils d’impure médisance ?
Le malheureux, délaissé des humains,
Meurt des poisons qu’ont préparés ses mains.
Ne craignons rien de qui cherche à médire.
En vain Boileau, dans ses sévérités,
A de Quinault dénigré les beautés ;
L’heureux Quinault, vainqueur de la satire,
Rit de sa haine, et marche à ses côtés.
Moi-même, enfin, qu’une cabale inique
Voulut noircir de son souffle caustique,
Je sais jouir, en dépit des cagots,
De quelque gloire, et même du repos.
Voici le point sur lequel je me fonde.
On entre en guerre en entrant dans le monde.
Homme privé, vous avez vos jaloux,
Rampant dans l’ombre, inconnus comme vous,
Obscurément tourmentant votre vie :
Homme public, c’est la publique envie
Qui contre vous lève son front altier.
Le coq jaloux se bat sur son fumier,

  1. Dans l’édition de Hollande de 1736 dont il vient d’être question, on lit :
    Eh ! que pourront tous les traits satiriques.
  2. Après ce vers on lisait :
    Et vous, Launay, vous, Zoïle moderne,
    D’écrits rimes barbouilleur subalterne,
    Insecte vil, qui rampez pour piquer,
    Et que nos yeux ne peuvent remarquer ;
    Je n’entends pas le bruit de vos murmures,
    Je ne sens pas vos frivoles morsures ;
    Car Émilie en ces mêmes moments
    Remplit mon cœur et tous mes sentiments.
    De son esprit mon âme pénétrée,
    D’autres objets à peine est effleurée ;
    J’entends sa voix, je suis devant ses yeux :
    Que tous les sots me déclarent la guerre,
    Hors de leur monde, et porté dans les cieux,
    Je ne vois plus la fange de la terre.

    Personne ne sait plus ce que c’était que ce Launay. — C’est l’auteur de la comédie intitulée la Vérité fabuliste. (B.)