Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/300

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Faut-il donc que de vos appas
Richelieu soit l’unique maître ?
Est-il dit qu’il ne sera pas
Ce qu’il a tant mérité d’être ?
Soyez donc sage, s’il le faut ;
Que ce soit là votre chimère :
Avec tous les talents de plaire,
Il faut bien avoir un défaut.
Dans cet emploi noble et pénible
De garder ce qu’on nomme honneur,
Je vous souhaite un vrai bonheur :
Mais voilà la chose impossible.




ÉPÎTRE XLIII.


À MONSIEUR ***.


Du camp de Philisbourg, le 3 juillet 1734[1].


C’est ici que l’on dort sans lit,
Et qu’on prend ses repas par terre ;
Je vois et j’entends l’atmosphère
Qui s’embrase et qui retentit
De cent décharges de tonnerre ;
Et dans ces horreurs de la guerre
Le Français chante, boit, et rit.
Bellone va réduire en cendres
Les courtines de Philisbourg,
Par cinquante mille Alexandres
Payés à quatre sous par jour :
Je les vois, prodiguant leur vie,
Chercher ces combats meurtriers,
Couverts de fange et de lauriers,

  1. Apprenant que son ami le duc de Richelieu venait d’avoir un duel avec le prince de Lixin, qui était mécontent du mariage de sa cousine, Mlle  de Guise, Voltaire partit pour l’armée du Rhin, où Richelieu se trouvait. Voyez la Correspondance à cette époque. (G. A.)