Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/359

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Lui qui dix ans proscrivit Athalie,
Qui, protecteur d’une scène avilie,
Frappant des mains, bat à tort, à travers,
Au mauvais sens qui hurle en mauvais vers.
Mais il revient, il répare sa honte ;
Le temps l’éc : aire : oui, mais la mort plus prompte
Ferme mes yeux dans ce siècle pervers,
En attendant que les siens soient ouverts.
Chez nos neveux on me rendra justice ;
Mais, moi vivant, il faut que je jouisse.
Quand dans la tombe un pauvre homme est inclus,
Qu’importe un bruit, un nom qu’on n’entend plus[1] ?
L’ombre de Pope avec les rois repose ;
Un peuple entier fait son apothéose,
Et son nom vole à l’immortalité :
Quand il vivait, il fut persécuté.
Ah ! cachons-nous ; passons avec les sages
Le soir serein d’un jour mêlé d’orages ;
Et dérobons à l’œil de l’envieux
Le peu de temps que me laissent les dieux.
Tendre amitié, don du ciel, beauté pure,
Porte un jour doux dans ma retraite obscure !
Puissé-je vivre et mourir dans tes bras,
Loin du méchant qui ne te connaît pas,
Loin du bigot, dont la peur dangereuse
Corrompt la vie, et rend la mort affreuse !



  1. Autre imitation de Martial, V, 10 :
    Si post fata venit gloria, non propero.