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ÉPÎTRE LXXIX.


À MONSIEUR DE SAINT-LAMBERT.


(1749)


Tandis qu’au-dessus de la terre,
Des aquilons et du tonnerre,
La belle amante de Newton
Dans les routes de la lumière
Conduit le char de Phaéton,
Sans verser dans cette carrière,
Nous attendons paisiblement,
Près de l’onde castalienne[1],
Que notre héroïne revienne
De son voyage au firmament ;
Et nous assemblons pour lui plaire,
Dans ces vallons et dans ces bois,
Les fleurs dont Horace autrefois
Faisait des bouquets pour Glycère.
Saint-Lambert, ce n’est que pour toi
Que ces belles fleurs sont écloses ;
C’est ta main qui cueille les roses,
Et les épines sont pour moi.
Ce vieillard chenu qui s’avance,
Le Temps, dont je subis les lois,
Sur ma lyre a glacé mes doigts,
Et des organes de ma voix
Fait trembler la sourde cadence.
Les Grâces dans ces beaux vallons,
Les dieux de l’amoureux délire,
Ceux de la flûte et de la lyre,
T’inspirent tes aimables sons,
Avec toi dansent aux chansons.
Et ne daignent plus me sourire.
Dans l’heureux printemps de tes jours

  1. Cette épître est curieuse, car ou y voit Voltaire fraterniser philosophiquement avec son heureux rival auprès de Mme  du Châtelet.