Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/413

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D’où vient que, sans esprit, tu fais le quatrième ?
Pourquoi, pauvre ennemi de l’essence suprême,
Confonds-tu Mahomet avec le Créateur,
Et les œuvres de l’homme avec Dieu, son auteur ?…
Corrige le valet, mais respecte le maître.
Dieu ne doit point pâtir des sottises du prêtre :
Reconnaissons ce Dieu, quoique très-mal servi.
De lézards et de rats mon logis est rempli ;
Mais l’architecte existe, et quiconque le nie
Sous le manteau du sage est atteint de manie.
Consulte Zoroastre, et Minos, et Solon,
Et le martyr Socrate, et le grand Cicéron :
Ils ont adoré tous un maître, un juge, un père.
Ce système sublime à l’homme est nécessaire.
C’est le sacré lien de la société,
Le premier fondement de la sainte équité,
Le frein du scélérat, l’espérance du juste.
Si les cieux, dépouillés de son empreinte auguste,
Pouvaient cesser jamais de le manifester,
Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer.
Que le sage l’annonce, et que les rois le craignent.
Rois, si vous m’opprimez, si vos grandeurs dédaignent
Les pleurs de l’innocent que vous faites couler,
Mon vengeur est au ciel : apprenez à trembler.
Tel est au moins le fruit d’une utile croyance.
Mais toi, raisonneur faux, dont la triste imprudence
Dans le chemin du crime ose les rassurer,
De tes beaux arguments quel fruit peux-tu tirer ?
Tes enfants à ta voix seront-ils plus dociles ?
Tes amis, au besoin, plus sûrs et plus utiles ?
Ta femme plus honnête ? et ton nouveau fermier,
Pour ne pas croire en Dieu, va-t-il mieux te payer ?…
Ah ! laissons aux humains la crainte et l’espérance.
Tu m’objectes en vain l’hypocrite insolence

    in-8o, dont on n’a vu que deux ou trois exemplaires ; on croit que cet ouvrage a été fabriqué au xviiie siècle par Mercier, abbé de Saint-Léger, et le duc de La Vallière (voyez le Dictionnaire des ouvrages anonymes de Barbier, seconde édition, n° 21612). Une copie de l’ouvrage daté de 1598 s’est trouvée dans les manuscrits de Saint-Léger (mais non de sa main), et faisait partie de la bibliothèque de A.-M.-H, Boulard, tome IV, page 177. Sur le Traité des Trois Imposteurs en français, on peut aussi consulter la seconde édition du Dictionnaire des anonymes, n° 18250. (B.)