Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/47

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Au clignement d’une paupière,
À l’instant je vous coupe en deux,
Et vous jette dans la rivière. »
Le satrape était un seigneur
Assez sujet à la frayeur :
Il eut beaucoup d’obéissance :
Lorsqu’on a peur on est fort doux.
Sur la nacelle, en diligence,
Nous l’embarquâmes avec nous.
Sitôt que nous fûmes en Grèce,
Son vainqueur le mit à rançon :
Elle fut en sonnante espèce.
Elle était forte, il m’en fit don :
Ce fut ma dot et mon douaire.
Avouez qu’il a su plus faire
Que le bel esprit Lygdamon,
Et que j’aurais fort à me plaindre,
S’il n’avait songé qu’à me peindre,
Et qu’à me faire une chanson.


Les Grecs furent charmés de la voix douce et vive,
Du naturel aisé, de la gaîté naïve,
Dont la jeune Téone anima son récit.
La grâce, en s’exprimant, vaut mieux que ce qu’on dit.
On applaudit, on rit : les Grecs aimaient à rire.
Pourvu qu’on soit content, qu’importe qu’on admire ?

Apamis s’avança les larmes dans les yeux :
Ses pleurs étaient un charme, et la rendaient plus belle.
Les Grecs prirent alors un air plus sérieux,
Et, dès qu’elle parla, les cœurs furent pour elle.
Apamis raconta ses malheureux amours
En mètres qui n’étaient ni trop longs, ni trop courts ;
Dix syllabes par vers, mollement arrangées,
Se suivaient avec art, et semblaient négligées.
Le rhythme en est facile, il est mélodieux.
L’hexamètre est plus beau, mais parfois ennuyeux.


APAMIS.

        L’astre cruel sous qui j’ai vu le jour
        M’a fait pourtant naître dans Amathonte,
        Lieux fortunés où la Grèce raconte