Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/52

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Sourirent à ce nom bizarre.
« Comment ce Macare est-il fait ?
Où l’avez-vous perdu, ma bonne ?
Faites-nous un peu son portrait.
— Ce Macare qui m’abandonne,
Dit-elle, est un homme parfait,
Qui n’a jamais haï personne,
Qui de personne n’est haï,
Qui de bon sens toujours raisonne,
Et qui n’eut jamais de souci.
À tout le monde il a su plaire. »
On lui dit : « Ce n’est pas ici
Que vous trouverez votre affaire,
Et les gens de ce caractère
Ne vont pas dans ce pays-ci. »
Thélème marcha vers la ville.
D’abord elle trouve un couvent,
Et pense dans ce lieu tranquille
Rencontrer son tranquille amant.
Le sous-prieur lui dit : « Madame,
Nous avons longtemps attendu
Ce bel objet de votre flamme,
Et nous ne l’avons jamais vu.
Mais nous avons en récompense
Des vigiles, du temps perdu,
Et la discorde, et l’abstinence. »
Lors un petit moine tondu
Dit à la dame vagabonde :
« Cessez de courir à la ronde
Après votre amant échappé ;
Car, si l’on ne m’a pas trompé,
Ce bonhomme est dans l’autre monde. »
À ce discours impertinent
Thélème se mit en colère :
« Apprenez, dit-elle, mon frère,
Que celui qui fait mon tourment
Est né pour moi, quoi qu’on en dise :
Il habite certainement
Le monde où le destin m’a mise,
Et je suis son seul élément :
Si l’on vous fait dire autrement,
On vous fait dire une sottise. »