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DE LA MAGIE.

coudées de long, tel qu’était ce sanctuaire ; et qu’un homme qui avait vu le Capitole fût surpris de la beauté d’un temple juif. Ce temple était très-saint, sans doute ; mais un sanctuaire de vingt coudées de long n’avait pas été bâti par un Vitruve. Les beaux temples étaient ceux d’Éphèse, d’Alexandrie, d’Athènes, d’Olympie, de Rome.

Josèphe, dans sa Déclamation contre Apion, dit qu’il ne fallait « qu’un temple aux Juifs, parce qu’il n’y a qu’un Dieu ». Ce raisonnement ne paraît pas concluant ; car si les Juifs avaient eu sept ou huit cents milles de pays, comme tant d’autres peuples, il aurait fallu qu’ils passassent leur vie à voyager pour aller sacrifier dans ce temple chaque année. De ce qu’il n’y a qu’un Dieu, il suit que tous les temples du monde ne doivent être élevés qu’à lui ; mais il ne suit pas que la terre ne doive avoir qu’un temple. La superstition a toujours une mauvaise logique.

D’ailleurs, comment Josèphe peut-il dire qu’il ne fallait qu’un temple aux Juifs, lorsqu’ils avaient, depuis le règne de Ptolémée Philométor, le temple assez connu de l’Onion, à Bubaste en Égypte ?


xxxv. — De la magie.

Qu’est-ce que la magie ? le secret de faire ce que ne peut faire la nature ; c’est la chose impossible : aussi a-t-on cru à la magie dans tous les temps. Le mot est venu des mag, magdim, ou mages de Chaldée. Ils en savaient plus que les autres ; ils recherchaient la cause de la pluie et du beau temps ; et bientôt ils passèrent pour faire le beau temps et la pluie. Ils étaient astronomes ; les plus ignorants et les plus hardis furent astrologues. Un événement arrivait sous la conjonction de deux planètes ; donc ces deux planètes avaient causé cet événement ; et les astrologues étaient les maîtres des planètes. Des imaginations frappées avaient vu en songe leurs amis mourants ou morts ; les magiciens faisaient apparaître les morts.

Ayant connu le cours de la lune, il était tout simple qu’ils la fissent descendre sur la terre. Ils disposaient même de la vie des hommes, soit en faisant des figures de cire, soit en prononçant le nom de Dieu, ou celui du diable. Clément d’Alexandrie, dans ses Stromates, livre premier, dit que, suivant un ancien auteur, Moïse prononça le nom de Ihaho, ou Jeovah, d’une manière si efficace, à l’oreille du roi d’Égypte Phara Nekefr, que ce roi tomba sans connaissance.