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DE LA PAPAUTÉ AVANT OTHON LE GRAND.


Tel était le pouvoir d’Othon le Grand, quand il fut invité à passer les Alpes par les Italiens mêmes, qui, toujours factieux et faibles, ne pouvaient ni obéir à leurs compatriotes, ni être libres, ni se défendre à la fois contre les Sarrasins et les Hongrois, dont les incursions infestaient encore leur pays.

L’Italie, qui dans ses ruines était toujours la plus riche et la plus florissante contrée de l’Occident, était déchirée sans cesse par des tyrans. Mais Rome, dans ces divisions, donnait encore le mouvement aux autres villes d’Italie. Qu’on songe à ce qu’était Paris dans le temps de la Fronde, et plus encore sous Charles l’Insensé, et à ce qu’était Londres sous l’infortuné Charles Ier, ou dans les guerres civiles des York et des Lancastre, on aura quelque idée de l’état de Rome au xe siècle. La chaire pontificale était opprimée, déshonorée, et sanglante. L’élection des papes se faisait d’une manière dont on n’a guère d’exemples ni avant, ni après.

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CHAPITRE XXXV.


De la papauté au xe siècle, avant qu’Othon le grand se rendît
maître de Rome.


Les scandales et les troubles intestins qui affligèrent Rome et son Église au xe siècle, et qui continuèrent longtemps après, n’étaient arrivés ni sous les empereurs grecs et latins, ni sous les rois goths, ni sous les rois lombards, ni sous Charlemagne : ils sont visiblement la suite de l’anarchie ; et cette anarchie eut sa source dans ce que les papes avaient fait pour la prévenir, dans la politique qu’ils avaient eue d’appeler les Francs en Italie. S’ils avaient en effet possédé toutes les terres qu’on prétend que Charlemagne leur donna, ils auraient été plus grands souverains qu’ils ne le sont aujourd’hui. L’ordre et la règle eussent été dans les élections et dans le gouvernement, comme on les y voit. Mais on leur disputa tout ce qu’ils voulurent avoir ; l’Italie fut toujours l’objet de l’ambition des étrangers ; le sort de Rome fut toujours incertain. Il ne faut jamais perdre de vue que le grand but des Romains était de rétablir l’ancienne république, que des tyrans s’élevaient dans l’Italie et dans Rome, que les élections des évêques