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DES EMPEREURS OTHON II ET III, ET DE ROME.

échappe ; et, profitant de la division de ses ennemis, il rentre encore dans Rome, où il meurt en 983.

Après sa mort, le consul Crescentius maintint quelque temps l’ombre de la république romaine. Il chassa du siège pontifical Grégoire V, neveu de l’empereur Othon III. Mais enfin Rome fut encore assiégée et prise. Crescentius, attiré hors du château Saint-Ange sur l’espérance d’un accommodement, et sur la foi des serments de l’empereur, eut la tête tranchée. Son corps fut pendu par les pieds ; et le nouveau pape, élu par les Romains, sous le nom de Jean XVI, ou XVII selon d’autres, eut les yeux crevés et le nez coupé. On le jeta en cet état du haut du château Saint-Ange dans la place.

Les Romains renouvelèrent alors à Othon III les serments faits à Othon Ier et à Charlemagne ; et il assigna aux papes les terres de la Marche d’Ancône pour soutenir leur dignité.

Après les trois Othons, ce combat de la domination allemande et de la liberté italique resta longtemps dans les mêmes termes. Sous les empereurs Henri II de Bavière et Conrad II le Salique, dès qu’un empereur était occupé en Allemagne, il s’élevait un parti en Italie. Henri II y vint, comme les Othons, dissiper des factions, confirmer aux papes les donations des empereurs, et recevoir les mêmes hommages. Cependant la papauté était à l’encan, ainsi que presque tous les autres évêchés.

Benoît VIII, et Jean XIX ou XX, l’achetèrent publiquement l’un après l’autre : ils étaient frères, de la maison des marquis de Toscanelle, toujours puissante à Rome depuis le temps des Marozie et des Théodora.

Après leur mort, pour perpétuer le pontificat dans leur maison, on acheta encore les suffrages pour un enfant de douze ans. (1034) C’était Benoît IX, qui eut l’évêché de Rome de la même manière qu’on voit encore aujourd’hui tant de familles acheter, mais en secret, des bénéfices pour des enfants.

Le désordre n’eut plus de bornes. On vit, sous le pontificat de ce Benoît IX, deux autres papes élus à prix d’argent, et trois papes dans Rome s’excommunier réciproquement ; mais par une conciliation heureuse qui étouffa une guerre civile, ces trois papes s’accordèrent à partager les revenus de l’Église, et à vivre en paix chacun avec sa maîtresse.

Ce triumvirat pacifique et singulier ne dura qu’autant qu’ils eurent de l’argent ; et enfin, quand ils n’en eurent plus, chacun vendit sa part de la papauté au diacre Gratien, homme de qualité, fort riche. Mais, comme le jeune Benoît IX avait été élu