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CHAPITRE XLVIII.

de pays en pays avant de pouvoir être reçu valet chez des moines de Valence en Dauphiné, il était enfin devenu pape.

On n’a jamais que les sentiments de sa fortune présente, Adrien IV eut d’autant plus d’élévation dans l’esprit qu’il était parvenu d’un état plus abject. L’Église romaine a toujours eu cet avantage de pouvoir donner au mérite ce qu’ailleurs on donne à la naissance ; et on peut même remarquer que, parmi les papes, ceux qui ont montré le plus de hauteur sont ceux qui naquirent dans la condition la plus vile. Aujourd’hui, en Allemagne, il y a des couvents où l’on ne reçoit que des nobles. L’esprit de Rome a plus de grandeur et moins de vanité.

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CHAPITRE XLVIII.


De Frédéric Barberousse. Cérémonies du couronnement des empereurs et des papes. Suite des guerres de la liberté italique contre la puissance allemande. Belle conduite du pape Alexandre III, vainqueur de l’empereur par la politique, et bienfaiteur du genre humain.[1].


(1152) Frédéric Ier, qu’on nomme communément Barberousse, régnait alors en Allemagne ; il avait été élu après la mort de Conrad III, son oncle, non-seulement par les seigneurs allemands, mais aussi par les Lombards, qui donnèrent cette fois leur suffrage. Frédéric était un homme comparable à Othon et à Charlemagne. Il fallut aller prendre à Rome cette couronne impériale, que les papes donnaient à la fois avec fierté et avec regret, voulant couronner un vassal, et affligés d’avoir un maître. Cette situation toujours équivoque des papes, des empereurs, des Romains, et des principales villes d’Italie, faisait répandre du sang à chaque couronnement d’un César. La coutume était que, quand l’empereur s’approchait pour se faire couronner, le pape se fortifiait, le peuple se cantonnait, l’Italie était en armes. L’empereur promettait qu’il n’attenterait ni à la vie, ni aux membres, ni à

  1. Voltaire poursuit l’histoire de la querelle des investitures, laissant de côté les croisades qu’il doit raconter en bloc.