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LANGUE ET SYMBOLES DES ÉGYPTIENS.


xx. — De la langue des Égyptiens, et de leurs symboles.

Le langage des Égyptiens n’avait aucun rapport avec celui des nations de l’Asie. Vous ne trouvez chez ce peuple ni le mot d’Adoni ou d’Adonaï, ni de Bal ou Baal, termes qui signifient le Seigneur ; ni de Mithra, qui était le soleil chez les Perses ; ni de Melch, qui signifie roi en Syrie ; ni de Shak, qui signifie la même chose chez les Indiens et chez les Persans, Vous voyez, au contraire, que Pharao était le nom égyptien qui répond à roi. Oshiret (Osiris) répondait au Mithra des Persans ; et le mot vulgaire On signifiait le soleil. Les prêtres persans s’appelaient mogh; ceux des Égyptiens choen, au rapport de la Genèse, chapitre xlvi. Les hiéroglyphes, les caractères alphabétiques d’Égypte, que le temps a épargnés, et que nous voyons encore gravés sur les obélisques, n’ont aucun rapport à ceux des autres peuples.

Avant que les hommes eussent inventé les hiéroglyphes, ils avaient indubitablement des signes représentatifs ; car, en effet, qu’ont pu faire les premiers hommes, sinon ce que nous faisons quand nous sommes à leur place ? Qu’un enfant se trouve dans un pays dont il ignore la langue, il parle par signes ; si on ne l’entend pas, pour peu qu’il ait la moindre sagacité, il dessine sur un mur, avec un charbon, les choses dont il a besoin.

On peignit donc d’abord grossièrement ce qu’on voulut faire entendre ; et l’art de dessiner précéda sans doute l’art d’écrire. C’est ainsi que les Mexicains écrivaient ; ils n’avaient pas poussé l’art plus loin. Telle était la méthode de tous les premiers peuples policés. Avec le temps, on inventa les figures symboliques : deux mains entrelacées signifièrent la paix, des flèches représentèrent la guerre, un œil signifia la Divinité, un sceptre marqua la royauté, et des lignes qui joignaient ces figures exprimèrent des phrases courtes.

Les Chinois inventèrent enfin des caractères pour exprimer chaque mot de leur langue. Mais quel peuple inventa l’alphabet, qui, en mettant sous les yeux les différents sons qu’on peut articuler, donne la facilité de combiner par écrit tous les mots possibles ? Qui put ainsi apprendre aux hommes à graver si aisément leurs pensées ? Je ne répéterai point ici tous les contes des anciens sur cet art qui éternise tous les arts ; je dirai seulement qu’il a fallu bien des siècles pour y arriver.