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DE ZALEUCUS.

des éléments et des autres dieux ; et que toutes les nations policées, depuis l’Inde jusqu’au fond de l’Europe, crurent en général une vie à venir, quoique plusieurs sectes de philosophes eussent une opinion contraire.

xxvii. — De Zaleucus, et de quelques autres législateurs.

J’ose ici défier tous les moralistes et tous les législateurs, et je leur demande à tous s’ils ont dit rien de plus beau et de plus utile que l’exorde des lois de Zaleucus, qui vivait avant Pythagore, et qui fut le premier magistrat des Locriens,

« Tout citoyen doit être persuadé de l’existence de la Divinité. Il suffit d’observer l’ordre et l’harmonie de l’univers, pour être convaincu que le hasard ne peut l’avoir formé. On doit maîtriser son âme, la purifier, en écarter tout mal ; persuadé que Dieu ne peut être bien servi par les pervers, et qu’il ne ressemble point aux misérables mortels qui se laissent toucher par de magnifiques cérémonies, et par de somptueuses offrandes. La vertu seule, et la disposition constante à faire le bien, peuvent lui plaire. Qu’on cherche donc à être juste dans ses principes et dans la pratique ; c’est ainsi qu’on se rendra cher à la Divinité. Chacun doit craindre ce qui mène à l’ignominie, bien plus que ce qui conduit à la pauvreté. Il faut regarder comme le meilleur citoyen celui qui abandonne la fortune pour la justice ; mais ceux que leurs passions violentes entraînent vers le mal, hommes, femmes, citoyens, simples habitants, doivent être avertis de se souvenir des dieux, et de penser souvent aux jugements sévères qu’ils exercent contre les coupables. Qu’ils aient devant les yeux l’heure de la mort, l’heure fatale qui nous attend tous, heure où le souvenir des fautes amène les remords et le vain repentir de n’avoir pas soumis toutes ses actions à l’équité.

« Chacun doit donc se conduire à tout moment comme si ce moment était le dernier de sa vie ; mais si un mauvais génie le porte au crime, qu’il fuie au pied des autels, qu’il prie le ciel d’écarter loin de lui ce génie malfaisant ; qu’il se jette surtout entre les bras des gens de bien, dont les conseils le ramèneront à la vertu, en lui représentant la bonté de Dieu et sa vengeance. »

Non, il n’y a rien dans toute l’antiquité qu’on puisse préférer à ce morceau simple et sublime, dicté par la raison et par la