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RÉSUMÉ DE CETTE HISTOIRE.

et depuis cinquante ans aucun de nos voyageurs n’en a vu[1]. Il y a beaucoup d’espèces d’hommes manifestement différentes les unes des autres. Plusieurs nations vivent encore dans l’état de la pure nature ; et, tandis que nous faisons le tour du monde pour découvrir si leurs terres n’ont rien qui puisse assouvir notre cupidité, ces peuples ne s’informent pas s’il existe d’autres hommes qu’eux, et passent leurs jours dans une heureuse indolence qui serait un malheur pour nous.

Il reste beaucoup à découvrir pour notre vaine curiosité ; mais si l’on s’en tient à l’utile, on n’a que trop découvert.

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CHAPITRE CXCVII.


Résumé de toute cette histoire jusqu’au temps où commence le beau
siècle de Louis XIV.


J’ai parcouru ce vaste théâtre des révolutions depuis Charlemagne, et même en remontant souvent beaucoup plus haut, jusqu’au temps de Louis XIV. Quel sera le fruit de ce travail ? quel profit tirera-t-on de l’histoire ? On y a vu les faits et les mœurs ; voyons quel avantage nous produira la connaissance des uns et des autres.

Un lecteur sage s’apercevra aisément qu’il ne doit croire que les grands événements qui ont quelque vraisemblance, et regarder en pitié toutes les fables dont le fanatisme, l’esprit romanesque, et la crédulité, ont chargé dans tous les temps la scène du monde.

  1. Depuis le temps où M. de Voltaire a écrit cette histoire, les voyageurs ont trouvé des anthropophages dans plusieurs îles de la mer du Sud. Il paraît résulter de leurs observations que cet usage s’abolit peu à peu chez ces peuples, à mesure que le temps amène quelques progrès dans leur civilisation. Les peuples qui mangent quelques-uns de leurs ennemis dans une espèce de fête barbare sont encore en assez grand nombre ; mais il est très-rare d’en trouver qui tuent leurs ennemis pour les manger. Ce sont deux degrés de barbarie bien distincts, dont le premier a précédé l’autre, qui paraît n’être qu’un reste de l’ancien usage. Au reste, on n’a trouvé chez aucun de ces peuples l’usage de faire brûler vivants les hommes qui ne sont pas de l’avis des autres, ni celui de faire mourir les prisonniers dans les supplices : ces coutumes paraissent appartenir exclusivement aux théologiens de l’Europe et aux sauvages de l’Amérique septentrionale. (K.)