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ANNALES DE L’EMPIRE.

C’est ainsi que les princes et les prêtres se sont souvent joués de Dieu et des hommes. Ni Hugues Capet ni Conrad n’ont pas eu un grand respect pour cette excommunication. Le nouveau roi, pour prix de la complaisance du pape, passe les Alpes avec Tassillon, duc de Bavière, son vassal. Il assiége Astolphe dans Pavie, et s’en retourne la même année sans avoir bien fait ni la guerre ni la paix.

755. À peine Pepin a-t-il repassé les Alpes qu’Astolphe assiége Rome. Le pape Étienne conjure le nouveau roi de France de venir le délivrer. Rien ne marque mieux la simplicité de ces temps grossiers qu’une lettre que le pape fait écrire au roi de France par saint Pierre, comme si elle était descendue du ciel ; simplicité pourtant qui n’excluait jamais ni les fraudes de la politique, ni les attentats de l’ambition.

Pepin délivre Rome, assiége encore Pavie, se rend maître de l’exarchat, et le donne, dit-on, au pape. C’est le premier titre de la puissance temporelle du saint-siége. Par là Pepin affaiblissait également les rois lombards et les empereurs d’Orient. Cette donation est bien douteuse, car les archevêques de Ravenne prirent alors le titre d’exarques. Il résulte que les évêques de Rome et de Ravenne voulaient s’agrandir. Il est très-probable que Pepin donna quelques terres aux papes, et qu’il favorisait en Italie ceux qui affermissaient en France sa domination. S’il est vrai qu’il ait fait ce présent aux papes, il est clair qu’il donna ce qui ne lui appartenait pas ; mais aussi il avait pris ce qui ne lui appartenait pas. On ne trouve guère d’autre source des premiers droits : le temps les rend légitimes. Il faut avouer qu’en fait de donations comme de décrétales, la cour de Rome est un peu décriée ; témoin la fameuse donation de Constantin, rapportée dans l’Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations[1].

756. Boniface, archevêque de Mayence, fait une mission chez les Frisons idolâtres. Il y reçoit le martyre. Mais comme les historiens disent qu’il fut martyrisé dans son camp, et qu’il y eut beaucoup de Frisons tués, il est à croire que les missionnaires étaient des soldats. Tassillon, duc de Bavière, fait un hommage de son duché au roi de France, dans la forme des hommages qu’on a depuis appelés liges. Il y avait déjà de grands fiefs héréditaires, et la Bavière en était un.

Pepin défait encore les Saxons, Il paraît que toutes les guerres de ces peuples, contre les Francs, n’étaient guère que des incur-

  1. Chapitre x, tome XI, page 239.