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ANNALES DE L’EMPIRE.

784. Ce massacre fit le même effet que fit longtemps après la Saint-Barthélemy en France. Tous les Saxons reprennent les armes avec une fureur désespérée. Les Danois et les peuples voisins se joignent à eux.

785. Charles marche avec son fils, du même nom que lui, contre cette multitude. Il remporte une victoire nouvelle, et donne encore des lois inutiles. Il établit des marquis, c’est-à-dire des commandants des milices sur les frontières de ses royaumes.

786. Vitikind cède enfin. Il vient avec un duc de Frise se soumettre à Charlemagne dans Attigny sur l’Aisne. Alors le royaume de France s’étend jusqu’au Holstein. Le roi de France repasse en Italie, et rebâtit Florence. C’est une chose singulière que dès qu’il est à un bout de ses royaumes, il y a toujours des révoltes à l’autre bout : c’est une preuve que le roi n’avait pas, sur toutes les frontières, de puissants corps d’armée. Les anciens Saxons se joignent aux Bavarois : le roi repasse les Alpes.

787. L’impératrice Irène, qui gouvernait encore l’empire grec, alors le seul empire, avait formé une puissante ligue contre le roi des Francs. Elle était composée de ces mêmes Saxons et de ces Bavarois, des Huns, si fameux autrefois sous Attila, et qui occupaient, comme aujourd’hui, les bords du Danube et de la Drave ; une partie même de l’Italie y était entrée. Charles vainquit les Huns vers le Danube, et tout fut dissipé.

Depuis 788 jusqu’à 792. Pendant ces quatre années paisibles, il institue des écoles chez les évêques et dans les monastères. Le chant romain s’établit dans les églises de France. Il fait dans la diète d’Aix-la-Chapelle des lois qu’on nomme Capitulaires. Ces lois tenaient beaucoup de la barbarie dont on voulait sortir, et dans laquelle on fut longtemps plongé[1]. La plus barbare de toutes fut cette loi de Vestphalie, cet établissement de la cour vémique[2], dont il est bien étrange qu’il ne soit pas dit un seul mot dans l’Esprit des lois ni dans l’Abrégé chronologique du président Hénault. L’Inquisition, le conseil des dix, n’égalèrent pas la cruauté de ce tribunal secret établi par Charlemagne en 803 : il fut d’abord insti-

  1. Dans l’édition originale, après le mot plongé, on lisait : « Voici quels étaient les usages, les mœurs, les lois, l’esprit, qui régnaient alors. » Après quoi, sous le titre de : Coutumes du temps de Charlemagne, venait, en plus de quinze pages, un morceau dont Voltaire, en y faisant des additions et des corrections a depuis composé les chapitres xvii à xxii de l’Essai sur les Mœurs. La version actuelle des Annales est de 1772. (B.)
  2. Voltaire parle de la cour vémique dans le Commentaire sur le livre des délits et des peines, paragraphe xiii (Mélanges, année 1766), et dans l’A B C, premier entretien (Mélanges, année 1768).