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ANNALES DE L’EMPIRE.

d’argent, avec lesquels ils allèrent préparer des armements nouveaux.

883. L’empire était devenu si faible que le pape Martin II[1], successeur de Jean VIII, commence par faire un décret solennel, par lequel on n’attendra plus les ordres de l’empereur pour l’élection des papes. L’empereur se plaint en vain de ce décret. Il avait ailleurs assez d’affaires.

Un duc Zvintilbold ou Zvintibold, à la tête des païens moraves, dévastait la Germanie. L’empereur s’accommoda avec lui comme avec les Normands. On ne sait pas s’il avait de l’argent à lui donner, mais il le reconnut prince et vassal de l’empire.

884. Une grande partie de l’Italie est toujours dévastée par le duc de Spolette et par les Sarrasins. Ceux-ci pillent la riche abbaye de Mont-Cassin, et enlèvent tous ses trésors ; mais un duc de Bénévent les avait déjà prévenus.

Charles le Gros marche en Italie pour arrêter tous ces désordres. À peine était-il arrivé que, les deux rois de France ses neveux étant morts, il repasse les Alpes pour leur succéder.

885. Voilà donc Charles le Gros qui réunit sur sa tête toutes les couronnes de Charlemagne ; mais elle ne fut pas assez forte pour les porter.

Un bâtard de Lothaire, nommé Hugues, abbé de Saint-Denis, s’était depuis longtemps mis en tête d’avoir la Lorraine pour son partage. Il se ligue avec un Normand auquel on avait cédé la Frise, et qui épousa sa sœur. Il appelle d’autres Normands.

L’empereur étouffa cette conspiration. Un comte de Saxe, nommé Henri, et un archevêque de Cologne, se chargèrent d’assassiner ce Normand, duc de Frise, dans une conférence. On se saisit de l’abbé Hugues, sous le même prétexte, en Lorraine, et l’usage de crever les yeux se renouvela pour lui.

Il eût mieux valu combattre les Normands avec de bonnes armées. Ceux-ci, voyant qu’on ne les attaquait que par des trahisons, pénètrent de la Hollande en Flandre ; ils passent la Somme et l’Oise sans résistance, prennent et brûlent Pontoise, et arrivent par eau et par terre à Paris. Cette ville, aujourd’hui immense, n’était ni forte, ni grande, ni peuplée. La tour du grand Châtelet n’était pas encore entièrement élevée quand les Normands parurent. Il fallut se hâter de l’achever avec du bois ; de sorte que le bas de la tour était de pierre, et le haut de charpente.

Les Parisiens, qui s’attendaient alors à l’irruption des barbares,

  1. Appelé aussi Marin Ier ; voyez page 197.