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ANNALES DE L’EMPIRE.

-ils, dans un village appelé Tribur, disposer de l’empire romain et du royaume de France ? non ; mais ils pouvaient renoncer à reconnaître un chef indigne de l’être. Ils abandonnent donc le petit-fils de Charlemagne pour un bâtard de Carloman, fils de Louis le Germanique : ils déclarent ce bâtard, nommé Arnoud, roi de Germanie. Charles le Gros meurt sans secours, auprès de Constance, le 13 janvier 888.

Le sort de l’Italie, de la France, et de tant d’États, était alors incertain.

Le droit de la succession était partout très-peu reconnu. Charles le Gros lui-même avait été couronné roi de France au préjudice d’un fils posthume de Louis le Bègue ; et, au mépris des droits de ce même enfant, les seigneurs français élisent pour roi Eudes, comte de Paris.

Un Rodolphe, fils d’un autre comte de Paris, se fait roi de la Bourgogne transjurane.

Ce fils de Boson, roi d’Arles, adopté par Charles le Gros, devient roi d’Arles par les intrigues de sa mère.

L’empire n’était plus qu’un fantôme, mais on ne voulait pas moins saisir ce fantôme, que le nom de Charlemagne rendait encore vénérable. Ce prétendu empire, qui s’appelait romain, devait être donné à Rome. Un Gui, duc de Spolette, un Bérenger, duc de Frioul, se disputaient le nom et le rang des Césars. Gui de Spolette se fait couronner à Rome. Bérenger prend le vain titre de roi d’Italie ; et, par une singularité digne de la confusion de ces temps-là, il vient à Langres en Champagne se faire couronner roi d’Italie.

C’est dans ces troubles que tous les seigneurs se cantonnent, que chacun se fortifie dans son château, que la plupart des villes sont sans police, que des troupes de brigands courent d’un bout de l’Europe à l’autre, et que la chevalerie s’établit pour réprimer ces brigands, et pour défendre les dames, ou pour les enlever.

889. Plusieurs évêques de France, et surtout l’archevêque de Reims, offrent le royaume de France au bâtard Arnoud, parce qu’il descendait de Charlemagne, et qu’ils haïssaient Eudes, qui n’était du sang de Charlemagne que par les femmes.

Le roi de France Eudes va trouver Arnoud à Vorms, lui cède une partie de la Lorraine, dont Arnoud était déjà en possession, lui promet de le reconnaître empereur, et lui remet dans les mains le sceptre et la couronne de France, qu’il avait apportés avec lui. Arnoud les lui rend, et le reconnaît roi de France. Cette soumission prouve que les rois se regardaient encore comme