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CHAPITRE CLXXVI.

gardes qui la retiennent (février 1631). Ses amis, ses créatures, ses domestiques, son médecin même, sont conduits à la Bastille et dans d’autres prisons. La Bastille fut toujours remplie sous ce ministère. Le maréchal de Bassompierre, soupçonné seulement de n’être pas dans les intérêts du cardinal, y fut renfermé pendant le reste de la vie du ministre.

(Juillet 1631) Depuis ce moment Marie ne revit plus ni son fils, ni Paris qu’elle avait embelli. Cette ville lui devait le palais du Luxembourg, ces aqueducs dignes de Rome, et la promenade publique qui porte encore le nom de la Reine. Toujours immolée à des favoris, elle passa le reste de ses jours dans un exil volontaire, mais douloureux. La veuve de Henri le Grand, la mère d’un roi de France, la belle-mère de trois souverains, manqua quelquefois du nécessaire. Le fond de toutes ces querelles était qu’il fallait que Louis XIII fût gouverné, et qu’il aimait mieux l’être par son ministre que par sa mère.

Cette reine, qui avait si longtemps dominé en France, alla d’abord à Bruxelles, et, de cet asile, elle crie à son fils ; elle demande justice aux tribunaux du royaume contre son ennemi. Elle est suppliante auprès du parlement de Paris, dont elle avait tant de fois rejeté les remontrances, et qu’elle avait renvoyé au soin de juger des procès tandis qu’elle fut régente : tant la manière de penser change avec la fortune ! On voit encore aujourd’hui sa requête : « Supplie Marie, reine de France et de Navarre, disant que depuis le 23 février elle aurait été arrêtée prisonnière au château de Compiègne, sans être ni accusée ni soupçonnée, etc. » Toutes ses plaintes réitérées contre le cardinal furent affaiblies par cela même qu’elles étaient trop fortes, et que ceux qui les dictaient, mêlant leurs ressentiments à sa douleur, joignaient trop d’accusations fausses aux véritables ; enfin, en déplorant ses malheurs, elle ne fit que les augmenter.

(1631) Pour réponse aux requêtes de la reine envoyées contre le ministre, il se fait créer duc et pair, et nommer gouverneur de Bretagne. Tout lui réussissait dans le royaume, en Italie, en Allemagne, dans les Pays-Bas. Jules Mazarin, ministre du pape dans l’affaire de Mantoue, était devenu le ministre de la France par la dextérité heureuse de ses négociations ; et, en servant le cardinal de Richelieu, il jetait sans le prévoir les fondements de la fortune qui le destinait à devenir le successeur de ce ministre. Un traité avantageux venait d’être conclu avec la Savoie : elle cédait pour jamais Pignerol à la France.

Vers les Pays-Bas, le prince d’Orange, secouru de l’argent de