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CHAPITRE CLXXVI.

Franche-Comté aux provinces de la Loire et jusqu’en Languedoc. Il espérait que le duc d’Épernon, qui avait autrefois traversé tout le royaume pour délivrer la reine sa mère, et qui avait soutenu la guerre et fait la paix en sa faveur, se déclarerait aujourd’hui pour la même reine, et pour un de ses fils, héritier présomptif du royaume, contre un ministre dont l’orgueil avait souvent mortifié l’orgueil du duc d’Épernon. Cette ressource, qui était grande, manqua encore. Le duc d’Épernon s’était presque ruiné pour secourir la reine mère, et se plaignait d’avoir été négligé par elle après l’avoir si bien servie. Il haïssait le cardinal plus que personne, mais il commençait à le craindre.

Le prince de Condé, qui avait fait la guerre au maréchal d’Ancre, était bien loin de se déclarer contre Richelieu : il cédait au génie de ce ministre, et, uniquement occupé du soin de sa fortune, il briguait le commandement des troupes au delà de la Loire contre Montmorency son beau-frère. Le comte de Soissons n’avait encore qu’une haine impuissante contre le cardinal, et n’osait éclater.

Gaston, abandonné parce qu’il n’était pas assez fort, traversa le royaume, plutôt comme un fugitif suivi de bandits étrangers que comme un prince qui venait combattre un roi. Il arrive enfin dans le Languedoc. Le duc de Montmorency y a rassemblé, à ses dépens et à force de promesses, six à sept mille hommes que l’on compte pour une armée. La division, qui se met toujours dans les partis, affaiblit les forces de Gaston dès qu’elles purent agir. Le duc d’Elbeuf, favori de Monsieur, voulait partager le commandement avec le duc de Montmorency, qui avait tout fait, et qui se trouvait dans son gouvernement.

(1er septembre 1632) La journée de Castelnaudary commença par des reproches entre Gaston et Montmorency. Cette journée fut à peine un combat ; ce fut une rencontre, une escarmouche, où le duc se porta, avec quelques seigneurs du parti, contre un petit détachement de l’armée royale, commandée par le maréchal de Schomberg ; soit impétuosité naturelle, soit dépit et désespoir, soit encore débauche de vin, qui n’était alors que trop commune, il franchit un large fossé suivi seulement de cinq ou six personnes ; c’était la manière de combattre de l’ancienne chevalerie, et non pas celle d’un général. Ayant pénétré dans les rangs ennemis, il y tomba percé de coups, et fut pris à la vue de Gaston et de sa petite armée, qui ne fit aucun mouvement pour le secourir.

Gaston n’était pas le seul fils de Henri IV présent à cette journée ; le comte de Moret, bâtard de ce monarque et de Mlle du Breuil,