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HENRI IV.

une lettre très-soumise au pape, dans laquelle il s’accuse de débauche et de simonie ; il faut l’en croire sur sa parole. Son aveu donnait à Grégoire VII le droit de le reprendre : c’est le plus beau des droits ; mais il ne donne pas celui de disposer des couronnes.

Grégoire VII écrit aux évêques de Brême, de Constance, à l’archevêque de Mayence, et à d’autres, et leur ordonne de venir à Rome : « Vous avez permis aux clercs, dit-il, de garder leurs concubines, même d’en prendre de nouvelles ; nous vous ordonnons de venir à Rome au premier concile. »

Il s’agissait aussi de dîmes ecclésiastiques, que les évêques et les abbés d’Allemagne se disputaient.

Grégoire VII propose le premier une croisade : il en écrit à Henri IV. Il prétend qu’il ira délivrer le saint sépulcre à la tête de cinquante mille hommes, et veut que l’empereur vienne servir sous lui. L’esprit qui régnait alors ôte à cette idée du pape l’air de la démence, et n’y laisse que celui de la grandeur.

Le dessein de commander à l’empereur et à tous les rois ne paraissait pas moins chimérique ; c’est cependant ce qu’il entreprit, et non sans quelque succès.

Salomon, roi de Hongrie, chassé d’une partie de ses États, et n’étant plus maître que de Presbourg jusqu’à l’Autriche, vient à Vorms renouveler l’hommage de la Hongrie à l’empire.

Grégoire VII lui écrit : « Vous devez savoir que le royaume de Hongrie appartient à l’Église romaine. Apprenez que vous éprouverez l’indignation du saint-siége si vous ne reconnaissez que vous tenez vos États de lui, et non du roi de Germanie. »

Le pape exige du duc de Bohême cent marcs d’argent en tribut annuel, et lui donne en récompense le droit de porter la mitre.

1076. Henri IV jouissait toujours du droit de nommer les évêques et les abbés, et de donner l’investiture par la crosse et par l’anneau[1] : ce droit lui était commun avec presque tous les princes. Il appartient naturellement au peuple de choisir ses pontifes et ses magistrats. Il est juste que l’autorité royale y concoure : mais cette autorité avait tout envahi. Les empereurs nommaient aux évêchés, et Henri IV les vendait. Grégoire, en s’opposant à l’abus, soutenait la liberté naturelle des hommes ; mais en s’opposant au concours de l’autorité impériale, il introduisait un abus plus grand encore. C’est alors qu’éclatèrent les divisions entre l’empire et le sacerdoce.

  1. Voyez page 291.