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ANNALES DE L’EMPIRE.

des plus anciens seigneurs saxons. C’est de ce marquis de Misnie que descend toute la maison de Saxe.

Ayant pacifié l’Allemagne, il repasse en Italie ; le plus grand obstacle qu’il y trouve est toujours cette comtesse Mathilde, remariée depuis peu avec le jeune Guelfe, fils de cet ingrat Guelfe à qui Henri IV avait donné la Bavière.

La comtesse soutient la guerre dans ses États contre l’empereur, qui retourne en Allemagne sans avoir presque rien fait.

Ce Guelfe, mari de la comtesse Mathilde, est, dit-on, la première origine de la faction des Guelfes, par laquelle on désigna depuis en Italie le parti des papes. Le mot de Gibelin fut longtemps depuis appliqué à la faction des empereurs, parce que Henri, fils de Conrad III, naquit à Ghibeling[1]. Cette origine de ces deux mots de guerre est aussi probable et aussi incertaine que les autres.

1090. Le nouveau pape Urbain II, auteur des croisades, poursuit Henri IV avec non moins de vivacité que Grégoire VII.

Les évêques de Constance et de Passau soulèvent le peuple. Sa nouvelle femme Adélaïde de Russie, et son fils Conrad, né de Berthe, se révoltent contre lui ; jamais empereur, ni mari, ni père ne fut plus malheureux que Henri IV.

1091. L’impératrice Adélaïde et Conrad son beau-fils passent en Italie. La comtesse Mathilde leur donne des troupes et de l’argent. Roger, duc de Calabre, marie sa fille à Conrad.

Le pape Urbain, ayant fait cette puissante ligue contre l’empereur, ne manque pas de l’excommunier.

1092. L’empereur, en partant d’Italie, avait laissé une garnison dans Rome ; il était encore maître du palais de Latran, qui était assez fort, et où son pape Guibert était revenu.

Le commandant de la garnison vend au pape la garnison et le palais. Geoffroy, abbé de Vendôme, qui était alors à Rome, prête à Urbain II l’argent qu’il faut pour ce marché ; et Urbain II le rembourse par le titre de cardinal qu’il lui donne, à lui et à ses successeurs. Ainsi, dans tous les gouvernements monarchiques, la vanité a toujours fait ses marchés avec l’avarice. Le pape Guibert s’enfuit.

1093-1094-1095. Les esprits s’occupent pendant ces années, en Europe, de l’idée des croisades[2], que le fameux ermite Pierre prêchait partout avec un enthousiasme qu’il communiquait de ville en ville.

  1. Voyez, ci-après, année 1230 et tome XI, page 428.
  2. Voyez, tome XI, page 440.