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HENRI V.

cane. Pascal II revient à Rome avec une petite armée des princes normands. Il meurt, et l’armée s’en retourne après s’être fait payer.

Les cardinaux seuls élisent Gaiëtan[1], Gélase II. Censio, consul de Rome, marquis de Frangipani, dévoué à l’empereur, entre dans le conclave l’épée à la main, saisit le pape à la gorge, l’accable de coups, le fait prisonnier. Cette férocité brutale met Rome en combustion. Henri V va à Rome ; Gélase se retire en France ; l’empereur donne le pontificat à son Limousin Bourdin[2].

1119. Gélase étant mort au concile de Vienne[3] en Dauphiné, les cardinaux qui étaient à ce concile élisent, conjointement avec les évêques, et même avec des laïques romains qui s’y trouvaient. Gui de Bourgogne, archevêque de Vienne, fils d’un duc de Bourgogne, et du sang royal de France. Ce n’est pas le premier prince élu pape. Il prend le nom de Calixte II.

Louis le Gros, roi de France, se rend médiateur dans cette grande affaire des investitures entre l’empire et l’Église. On assemble un concile à Reims. L’archevêque de Mayence y arrive avec cinq cents gendarmes à cheval, et le comte de Troyes va le recevoir à une demi-lieue avec un pareil nombre.

L’empereur et le pape se rendent à Mouzon. On est prêt de s’accommoder, et, sur une dispute de mots, tout est plus brouillé que jamais. L’empereur quitte Mouzon, et le concile l’excommunie.

1120-1121. Comme il y avait dans ce concile plusieurs évêques allemands qui avaient excommunié l’empereur, les autres évêques d’Allemagne ne veulent plus que l’empereur donne les investitures.

1122. Enfin, dans une diète de Vorms, la paix de l’empire et de l’Église est faite. Il se trouve que dans cette longue querelle on ne s’était jamais entendu. Il ne s’agissait pas de savoir si les empereurs conféraient l’épiscopat, mais s’ils pouvaient investir de leurs fiefs impériaux des évêques canoniquement élus à leur recommandation. Il fut décidé que les investitures seraient dorénavant données par le sceptre, et non par un bâton recourbé et par un anneau[4]. Mais ce qui fut bien plus important, l’empereur renonça en termes exprès à nommer aux bénéfices ceux qu’il devait investir. Ego, Henricus, Dei gratia Romanorum imperator, concedo in omnibus ecclesiis fieri electionem et liberam consecrationem. Ce fut une brèche irréparable à l’autorité impériale.

  1. Jean de Gaëte, ainsi nommé du lieu de sa naissance.
  2. Maurice Bourdin, anti-pape sous le nom de Grégoire VIII, mort en 1122.
  3. Non à Vienne, mais dans l’abbaye de Cluny.
  4. Voyez pages 291 et 297.