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ANNALES DE L’EMPIRE.

L’empereur s’embarque sur le Danube avec le célèbre évêque de Freisingen[1], qui a écrit l’histoire de ce temps, avec ceux de Ratisbonne, de Passau, de Bâle, de Metz, de Toul. Frédéric Barberousse, le marquis d’Autriche, Henri duc de Bavière, le marquis de Montferrat, sont les principaux princes qui l’accompagnent.

Les Allemands étaient les derniers qui venaient à ces expéditions d’abord si brillantes, et bientôt après si malheureuses. Déjà était érigé le petit royaume de Jérusalem ; les États d’Antioche, d’Édesse, de Tripoli, de Syrie, s’étaient formés. Il s’était élevé des comtes de Joppé, des marquis de Galilée et de Sidon ; mais la plupart de ces conquêtes étaient perdues.

1148. L’intempérance fait périr une partie de l’armée allemande. De là tous ces bruits que l’empereur grec a empoisonné les fontaines pour faire périr les croisés.

Conrad, et Louis le Jeune, roi de France, joignent leurs armées affaiblies vers Laodicée. Après quelques combats contre les musulmans, il va en pèlerinage à Jérusalem, au lieu de se rendre maître de Damas, qu’il assiége ensuite inutilement. Il s’en retourne presque sans armée sur les vaisseaux de son beau-frère Manuel Comnène : il aborde dans le golfe de Venise, n’osant aller en Italie, encore moins se présenter à Rome pour y être couronné.

1148-1149. La perte de toutes ces prodigieuses armées de croisés, dans les pays où Alexandre avait subjugué, avec quarante mille hommes, un empire beaucoup plus puissant que celui des Arabes et des Turcs, démontre que dans ces entreprises des chrétiens il y avait un vice radical qui devait nécessairement les détruire : c’était le gouvernement féodal, l’indépendance des chefs, et par conséquent la désunion, le désordre, et l’imprudence.

La seule croisade raisonnable qu’on fit alors fut celle de quelques seigneurs flamands et anglais, mais principalement de plusieurs Allemands des bords du Rhin, du Mein, et du Véser, qui s’embarquèrent pour aller secourir l’Espagne, toujours envahie par les Maures. C’était là un danger véritable qui demandait des secours ; et il valait mieux assister l’Espagne contre les usurpateurs que d’aller à Jérusalem, sur laquelle on n’avait aucun droit à prétendre, et où il n’y avait rien à gagner. Les croisés prirent Lisbonne, et la donnèrent au roi Alfonse.

On en faisait une autre contre les païens du Nord : car l’esprit

  1. Il s’appelait Othon. Parmi ses ouvrages est une Chronique depuis le commencement du monde jusqu’en 1150, imprimée à Bâle, 1569, in-folio.