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FRÉDÉRIC Ier, DIT BARBEROUSSE.

prêtent à l’empereur ; il traite cette cérémonie de sacrilége, et cependant, sous main, il excite les peuples.

Les Milanais prennent cette occasion de recouvrer un peu de liberté, Frédéric les fait déclarer déserteurs et ennemis de l’empire, et par l’arrêt leurs biens sont livrés au pillage, et leurs personnes à l’esclavage : arrêt qui ressemble plutôt à un ordre d’Attila qu’à une constitution d’un empereur chrétien.

Adrien IV saisit ce temps de troubles pour redemander tous les fiefs de la comtesse Mathilde, le duché de Spolette, la Sardaigne, et la Corse. L’empereur ne lui donne rien ; il assiége Crême, qui avait pris le parti de Milan, prend Crême, et la pille. Milan respira, et jouit quelque temps du bonheur de devoir sa liberté à son courage.

Après la mort du pape Adrien IV, les cardinaux se partagent : la moitié élit le cardinal Roland, qui prend le nom d’Alexandre III, ennemi déclaré de l’empereur ; l’autre choisit Octavien, son partisan, qui s’appelle Victor. Frédéric Barberousse, usant de ses droits d’empereur, indique un concile à Pavie pour juger entre les deux compétiteurs : (février 1160) Alexandre refuse de reconnaître ce concile ; Victor s’y présente ; le concile juge en sa faveur ; l’empereur lui baise les pieds, et conduit son cheval comme celui d’Adrien. Il se soumettait à cette étrange cérémonie pour être réellement le maître.

Alexandre III, retiré dans Anagni, excommunie l’empereur, et absout ses sujets du serment de fidélité. On voit bien que le pape comptait sur le secours des rois de Naples et de Sicile[1]. Jamais un pape n’excommunia un roi sans avoir un prince tout prêt à soutenir par les armes cette hardiesse ecclésiastique : le pape comptait sur le roi de Naples et sur les plus grandes villes d’Italie.

1161. Les Milanais profitent de ces divisions: ils osent attaquer l’armée impériale à Carentia, à quelques milles de Lodi, et remportent une grande victoire. Si les autres villes d’Italie avaient secondé Milan, c’était le moment pour délivrer à jamais ce beau pays du joug étranger.

1162. L’empereur rétablit son armée et ses affaires: les Milanais, bloqués, manquent de vivres ; ils capitulent. Les consuls et huit chevaliers, chacun l’épée nue à la main, viennent mettre leurs épées aux pieds de l’empereur à Lodi. L’empereur révoque l’arrêt qui condamnait les citoyens à la servitude, et qui livrait

  1. Voyez page 200.