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FRÉDÉRIC Ier, DIT BARBEROUSSE.

les députés des villes lombardes y arrivent les premiers. L’archevêque de Mayence, Christien, y vient conclure la paix.

Il est difficile de démêler comment cette paix, qui devait assurer le repos des papes et la liberté des Italiens, ne fut qu’une trêve de six ans avec les villes lombardes, et de quinze ans avec la Sicile. Il n’y fut pas question des terres de la comtesse Mathilde, qui avaient été la base du traité.

Tout étant conclu, l’empereur se rend à Venise. Le duc le conduit dans sa gondole à Saint-Marc. Le pape l’attendait à la porte, la tiare sur la tête. L’empereur, sans manteau, le conduit au chœur, une baguette de bedeau à la main. Le pape prêcha en latin, que Frédéric n’entendait pas. Après le sermon, l’empereur vient baiser les pieds du pape, communie de sa main, conduit sa mule dans la place Saint-Marc au sortir de l’église ; et Alexandre III s’écriait : « Dieu a voulu qu’un vieillard et un prêtre triomphât d’un empereur puissant et terrible. » Toute l’Italie regarda Alexandre III comme son libérateur et son père.

La paix fut jurée sur les Évangiles par douze princes de l’empire. On n’écrivait guère alors ces traités. Il y avait peu de clauses ; les serments suffisaient. Peu de princes allemands savaient lire et signer, et on ne se servait de la plume qu’à Rome. Cela ressemble aux temps sauvages qu’on appelle héroïques.

Cependant on exigea de l’empereur un acte particulier, scellé de son sceau, par lequel il promit de n’inquiéter de six ans les villes d’Italie.

1178. Comment Frédéric Barberousse osait-il après cela passer par Milan, dont le peuple traité par lui en esclave l’avait vaincu ? Il y alla pourtant en retournant en Allemagne.

D’autres troubles agitaient ce vaste pays, guerrier, puissant, et malheureux, dans lequel il n’y avait pas encore une seule ville comparable aux médiocres de l’Italie.

Henri le Lion, maître de la Saxe et de la Bavière, faisait toujours la guerre à plusieurs évêques, comme l’empereur l’avait faite au pape. Il succomba comme lui, et par l’empereur même.

L’archevêque de Cologne, aidé de la moitié de la Vestphalie, l’archevêque de Magdebourg, un évêque d’Halberstadt, étaient opprimés par Henri le Lion, et lui faisaient tout le mal qu’ils pouvaient. Presque toute l’Allemagne embrasse leur parti.

1179. Henri le Lion est le quatrième duc de Bavière mis au ban de l’empire dans la diète de Goslar. Il fallait une puissante armée pour mettre l’arrêt à exécution. Ce prince était plus puissant que l’empereur. Il commandait alors depuis Lubeck jusqu’au