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FRÉDÉRIC II.

escorte : il s’y couronne lui-même ; aucun prélat ne voulut couronner un excommunié. Il retourne bientôt au royaume de Naples, qui exigeait sa présence.

1230. Il trouve, dans le territoire de Capoue, son beau-père Jean de Brienne à la tête de la croisade papale.

Les croisés du pape, qu’on appelait guelfes, portaient le signe des deux clefs sur l’épaule. Les croisés de l’empereur, qu’on appelait gibelins[1], portaient la croix. Les clefs s’enfuirent devant la croix.

Tout était en combustion en Italie. On avait besoin de la paix ; on la fait le 23 juillet à San-Germano. L’empereur n’y gagne que l’absolution. Il consent que, désormais, les bénéfices se donnent par élection en Sicile ; qu’aucun clerc, dans ces deux royaumes, ne puisse être traduit devant un juge laïque ; que tous les biens ecclésiastiques soient exempts d’impôts ; et enfin il donne de l’argent au pape.

1231. Il paraît jusqu’ici que ce Frédéric II, qu’on a peint comme le plus dangereux des hommes, était le plus patient ; mais on prétend que son fils était déjà prêt à se révolter en Allemagne : et c’est ce qui rendait le père si facile en Italie.

1232-1233-1234. Il est clair que l’empereur ne restait si longtemps en Italie que dans le dessein d’y fonder un véritable empire romain. Maître de Naples et de Sicile, s’il eût pris sur la Lombardie l’autorité des Othons, il était le maître de Rome. C’est là son véritable crime aux yeux des papes ; et ces papes, qui le poursuivirent d’une manière violente, étaient toujours regardés d’une partie de l’Italie comme les soutiens de la nation. Le parti des guelfes était celui de la liberté. Il eût fallu, dans ces circonstances, à Frédéric, des trésors et une grande armée bien disciplinée, et toujours sur pied. C’est ce qu’il n’eut jamais. Othon IV, bien moins puissant que lui, avait eu contre le roi de France une armée de près de cent trente mille hommes ; mais il ne la soudoya pas, et c’était un effort passager de vassaux et d’alliés réunis pour un moment.

Frédéric pouvait faire marcher ses vassaux d’Allemagne en Italie. On prétend que le pape Grégoire IX prévint ce coup en soulevant le roi des Romains Henri contre son père, ainsi que Grégoire VII, Urbain II, et Pascal II, avaient armé les enfants de Henri IV[2].

  1. Voyez 1089 et 1138.
  2. Voyez le règne de ce prince, années 1056-1106 ; et surtout 1090.