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FRÉDÉRIC II.

Le pape, qui le voyait alors marcher à grands pas à l’exécution de son grand dessein, fait une diversion par les affaires ecclésiastiques ; et sous prétexte que l’empereur faisait juger par des cours laïques les crimes des clercs, il excite toute l’Église contre lui ; l’Église excite les peuples.

1238-1239. Frédéric II avait un bâtard nommé Entius, qu’il avait fait roi de Sardaigne ; autre prétexte pour le pontife, qui prétendait que la Sardaigne relevait du saint-siége.

Ce pape était toujours Grégoire IX. Les différents noms des papes ne changent jamais rien aux affaires ; c’est toujours la même querelle et le même esprit. Grégoire IX excommunie solennellement l’empereur deux fois pendant la semaine de la Passion. Ils écrivent violemment l’un contre l’autre. Le pape accuse l’empereur de soutenir que le monde a été trompé par trois imposteurs : Moïse, Jésus-Christ, et Mahomet. Frédéric appelle Grégoire antéchrist, Balaam, et prince des ténèbres[1]. Peut-être le peuple accusa faussement l’empereur, qui de son côté calomnia le pape. C’est de cette querelle que naquit ce préjugé, qui dure encore, que Frédéric composa ou fit composer en latin le livre des Trois Imposteurs[2] : on n’avait pas alors assez de science et de critique pour faire un tel ouvrage. Nous avons, depuis peu, quelques mauvaises brochures sur le même sujet ; mais personne n’a été assez sot pour les imputer à Frédéric II, ni à son chancelier des Vignes.

La patience de l’empereur était enfin poussée à bout, et il se croyait puissant. Les dominicains et les franciscains, milices spirituelles du pape, nouvellement établies, sont chassés de Naples et de Sicile. Les bénédictins du Mont-Cassin sont chassés aussi, et on n’en laisse que huit pour faire l’office. On défend, sous peine de mort, dans les deux royaumes, de recevoir des lettres du pape.

Tout cela anime davantage les factions des guelfes et des gibelins. Venise et Gênes s’unissent aux villes de Lombardie. L’empereur marche contre elles. Il est défait par les Milanais. C’est la troisième victoire signalée dans laquelle les Milanais soutiennent leur liberté contre les empereurs[3].

1240. Il n’y a plus alors à négocier, comme l’empereur avait toujours fait. Il augmente ses troupes, et marche à Rome, où il y avait un grand parti de gibelins.

  1. La fin de cet alinéa est de 1772. (B.)
  2. Voyez tome X, page 402, une note sur l’Êpître à l’auteur du livre des Trois Imposteurs (année 1769) ; et tome XI, page 430.
  3. Voyez 1161 et 1176.