Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
353
FRÉDÉRIC II.

1241. Dans ce temps, les peuples de la grande Tartarie menaçaient le reste du monde. Ce vaste réservoir d’hommes grossiers et belliqueux avait vomi ses inondations sur presque tout notre hémisphère dès le ve siècle de l’ère chrétienne. Une partie de ces conquérants venait d’enlever la Palestine au Soudan d’Égypte, et au peu de chrétiens qui restaient encore dans cette contrée. Des hordes plus considérables de Tartares sous Batou-kan, petit-fils de Gengis-kan, avaient été jusqu’en Pologne et jusqu’en Hongrie.

Les Hongrois, mêlés avec les Huns, anciens compatriotes de ces Tartares, venaient d’être vaincus par ces nouveaux brigands. Ce torrent s’était répandu en Dalmatie, et portait ainsi ses ravages de Pékin aux frontières de l’Allemagne. Était-ce là le temps pour un pape d’excommunier l’empereur, et d’assembler un concile pour le déposer ?

Grégoire IX indique ce concile. On ne conçoit pas comment il peut proposer à l’empereur de faire une cession entière de l’empire et de tous ses États au saint-siége pour tout concilier. Le pape fait pourtant cette proposition. Quel était l’esprit du siècle où l’on pouvait proposer de pareilles choses !

1242. L’orient de l’Allemagne est délivré des Tartares, qui s’en retournent comme des bêtes féroces après avoir saisi quelque proie.

Grégoire IX et son successeur Célestin IV étant morts presque dans la même année[1], et le saint-siége ayant vaqué longtemps, il est surprenant que l’empereur presse les Romains de faire un pape, et même à main armée[2]. Il paraît qu’il était de son intérêt que la chaire de ses ennemis ne fût pas remplie ; mais le fond de la politique de ces temps-là est bien peu connu. Ce qui est certain, c’est qu’il fallait que Frédéric II fût un prince sage, puisque, dans ces temps de troubles, l’Allemagne et son royaume de Naples et Sicile étaient tranquilles.

1243. Les cardinaux, assemblés à Anagni, élisent le cardinal Fiesque, Génois, de la maison des comtes de Lavagna, attaché à l’empereur. Ce prince dit : « Fiesque était mon ami ; le pape sera mon ennemi. »

1244. Fiesque, connu sous le nom d’Innocent IV, ne va pas jusqu’à demander que Frédéric II lui cède l’empire ; mais il veut

  1. Ces deux pontifes moururent en 1241 : le premier, au mois d’auguste ; le second, en novembre. (Cl.)
  2. C’est lui, au contraire, qui y fut contraint. Des plaintes s’élevaient de toutes parts. (G. A.)