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ANNALES DE L’EMPIRE.

Romains, et qui lui promet de lui donner la couronne impériale à Rome.

Il était devenu ordinaire de prêcher des croisades contre les princes chrétiens. Le pape en fait prêcher une en Allemagne contre l’empereur Conrad, et une en Italie contre Manfredo ou Mainfroi, bâtard de Frédéric II, fidèle alors à son frère et aux dernières volontés de son père.

Ce Mainfroi, prince de Tarente, gouvernait Naples et Sicile au nom de Conrad. Le pape faisait révolter contre lui Naples et Capoue. Conrad y marche, et semble abandonner l’Allemagne et son rival Guillaume, pour aller seconder son frère Mainfroi contre les croisés du pape.

1252. Guillaume de Hollande s’établit pendant ce temps-là en Allemagne. On peut observer ici une aventure qui prouve combien tous les droits ont été longtemps incertains, et les limites confondues. Une comtesse de Flandre et du Hainaut a une guerre avec Jean d’Avesnes, son fils d’un premier lit, pour le droit de succession de ce fils même sur les États de sa mère. On prend saint Louis pour arbitre. Il adjuge le Hainaut à d’Avesnes, et la Flandre au fils du second lit. Jean d’Avesnes dit au roi Louis : « Vous me donnez le Hainaut qui ne dépend pas de vous ; il relève de l’évêque de Liége, et il est arrière-fief de l’empire. La Flandre dépend de vous, et vous ne me la donnez pas. »

Il n’était donc pas décidé de qui le Hainaut relevait. La Flandre était encore un autre problème. Tout le pays d’Alost était fief de l’empire ; tout ce qui était sur l’Escaut l’était aussi ; mais le reste de la Flandre, depuis Gand, relevait des rois de France. Cependant Guillaume, en qualité de roi d’Allemagne, met la comtesse au ban de l’empire, et confisque tout au profit de Jean d’Avesnes, en 1252. Cette affaire s’accommoda enfin ; mais elle fait voir quels inconvénients la féodalité entraînait. C’était encore bien pis en Italie, et surtout pour les royaumes de Naples et Sicile.

1253-1254. Ces années, qu’on appelle, ainsi que les suivantes, les années d’interrègne, de confusion, et d’anarchie, sont pourtant très-dignes d’attention[1].

La maison de Maurienne et de Savoie, qui prend le parti de Guillaume de Hollande, et qui le reconnaît empereur, en reçoit l’investiture de Turin, de Montcalier, d’Ivrée, et de plusieurs fiefs, qui en font une maison puissante.

  1. C’est de la mort de Frédéric II qu’on date ordinairement le grand interrègne qui s’étend jusqu’en 1272. (G. A.)