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CONRAD IV.

Mainfroi, qui se croit affermi, insulte aux excommunications et aux entreprises du pape.

Depuis 1260 jusqu’à 1266. Tandis que l’Allemagne est ou désolée ou languissante dans son anarchie ; que l’Italie est partagée en factions ; que les guerres civiles troublent l’Angleterre ; que saint Louis, racheté de sa captivité en Égypte, médite encore une nouvelle croisade, qui fut plus malheureuse s’il est possible, le saint-siége persiste toujours dans le dessein d’arracher à Mainfroi Naples et Sicile, et de dépouiller à la fois le tuteur coupable et l’orphelin.

Quelque pape qui soit sur la chaire de saint Pierre, c’est toujours le même génie, le même mélange de grandeur et de faiblesse, de religion et de crimes. Les Romains ne veulent ni reconnaître l’autorité temporelle des papes, ni avoir d’empereurs. Les papes sont à peine soufferts dans Rome, et ils ôtent ou donnent des royaumes, Rome élisait alors un seul sénateur, comme protecteur de sa liberté. Mainfroi, Pierre d’Aragon son gendre, le duc d’Anjou Charles, frère de saint Louis, briguent tous trois cette dignité, qui était celle de patrice sous un autre nom.

Urbain IV, nouveau pontife[1], offre à Charles d’Anjou Naples et Sicile ; mais il ne veut pas qu’il soit sénateur : ce serait trop de puissance.

Il propose à saint Louis d’armer le duc d’Anjou pour lui faire conquérir le royaume de Naples. Saint Louis hésite. C’était manifestement ravir à un pupille l’héritage de tant d’aïeux qui avaient conquis cet État sur les musulmans. Le pape calme ses scrupules. Charles d’Anjou accepte la donation du pape, et se fait élire sénateur de Rome malgré lui.

Urbain IV, trop engagé, fait promettre à Charles d’Anjou qu’il renoncera dans cinq ans au titre de sénateur ; et comme ce prince doit faire serment aux Romains pour toute sa vie, le pape concilie ces deux serments, et l’absout de l’un, pourvu qu’il lui fasse l’autre.

Il l’oblige aussi de jurer entre les mains de son légat qu’il ne possédera jamais l’empire avec la couronne de Sicile. C’était la loi des papes ses prédécesseurs ; et cette loi montre combien on avait craint Frédéric II.

Le comte d’Anjou promet surtout d’aider le saint-siége à se remettre en possession du patrimoine usurpé par beaucoup de seigneurs, et des terres de la comtesse Mathilde. Il s’engage à payer par an huit mille onces d’or de tribut ; consentant d’être excom-

  1. Élu le 29 auguste 1261.