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ANNALES DE L’EMPIRE.

munié si jamais ce payement est différé de deux mois : il jure d’abolir tous les droits que les conquérants français et les princes de la maison de Souabe avaient eus sur les ecclésiastiques, et par là il renonce à la prérogative singulière de Sicile.

À ces conditions et à beaucoup d’autres, il s’embarque à Marseille avec trente galères, et va recevoir à Rome, en juin 1265, l’investiture de Naples et de Sicile qu’on lui vend si cher.

Une bataille dans les plaines de Bénévent, le 26 février 1266, décide de tout. Mainfroi y périt ; sa femme, ses enfants, ses trésors, sont livrés au vainqueur.

Le légat du pape, qui était dans l’armée, prive le corps de Mainfroi de la sépulture des chrétiens : vengeance lâche et maladroite qui ne sert qu’à irriter les peuples.

1267-1268. Dès que Charles d’Anjou est sur le trône de Sicile, il est craint du pape et haï de ses sujets. Les conspirations se forment. Les gibelins, qui partageaient l’Italie, envoient en Bavière solliciter le jeune Conradin de venir prendre l’héritage de ses pères. Clément IV, successeur d’Urbain, lui défend de passer en Italie, comme un souverain donne un ordre à son sujet.

Conradin part à l’âge de seize ans avec le duc de Bavière son oncle, le comte de Tyrol, dont il vient d’épouser la fille, et surtout avec le jeune duc d’Autriche, son cousin, qui n’était pas plus maître de l’Autriche que Conradin ne l’était de Naples. Les excommunications ne leur manquèrent pas. Clément IV, pour leur mieux résister, nomme Charles d’Anjou vicaire impérial en Toscane : car les papes, osant prétendre qu’ils donnaient l’empire, devaient à plus forte raison en donner le vicariat. La Toscane, cette province illustre, devenue libre par son esprit et par son courage, était partagée en guelfes et en gibelins ; et par là les guelfes y prennent toute l’autorité.

Charles d’Anjou, sénateur de Rome et chef de la Toscane, en devenait plus redoutable au pape ; mais Conradin l’eût été davantage.

Tous les cœurs étaient à Conradin, et, par une destinée singulière, les Romains et les musulmans se déclarèrent en même temps pour lui. D’un côté, l’infant Henri, frère d’Alfonse X, roi de Castille, vrai chevalier errant, passe en Halle, et se fait déclarer sénateur de Rome pour y soutenir les droits de Conradin ; de l’autre, un roi de Tunis leur prête de l’argent et des galères, et tous les Sarrasins qui étaient restés dans le royaume de Naples prennent les armes en sa faveur.

Conradin est reçu dans Rome au Capitole comme un empe-